vendredi 28 novembre 2008

samedi 15 novembre 2008

R.I.P.

Les "grandes dames goules" ont toujours eu la cote auprès des cinéphiles gays, que ce soit en raison du parfum de lesbianisme fréquemment attaché à leurs rôles (Ingrid PITT, Martine BESWICK), ou pour leur aptitude à exprimer les excès, les flamboyances ou les déviances d'une forme paroxystique de la féminité, propre à enchanter les drag-queens et à leur servir de modèle (Bette DAVIS, Joan CRAWFORD). Voilà pourquoi, à "Fears for queers", on aime les divas de l'écran -- à plus forte raison lorsqu'elles s'illustrèrent dans notre "mauvais genre" favori.
C'est une triste nouvelle que m'a communiquée mon ami Jean-Claude MICHEL relativement à l'une d'entre elles, en m'apprenant le décès de l'immense SUZANNA (ou SUZZANNA, selon les génériques), star incontournable du cinéma fantastique indonésien, et figure iconique de la féminité dans tous ses états.


SUZANNA dans La Revanche de Samson (1987)

Critique érudit, inestimable historien du genre que nous aimons, et infatigable défricheur de cinématographies
autres (on lui doit la découverte de nombreux cinéastes et comédiens injustement ignorés en nos contrées), Jean-Claude m'a amicalement autorisée à reproduire ici le texte qu'il a consacré à cette Reine de l'épouvante surréaliste et sanglante, à la suite de son décès.
Je l'en remercie chaleureusement.

DECES DE SUZANNA
par Jean-Claude MICHEL


La belle SUZANNA, la grande-prêtresse du cinéma horrifique et d'aventures indonésien, la Barbara STEELE de Jakarta, nous a quittés le 16 octobre dernier. Celle qui fut la Reine de la Magie Noire, puis la Reine des Serpents, celle des Crocodiles, et aussi la terrifiante Sundel Bolong, est décédée à son domicile des suites d'un diabète, au retour d'un ultime séjour à l'hôpital Harapan de Magelang, Central Java, et deux jours après son soixante-sixième anniversaire. Une mort d'autant plus tragique qu'après une longue absence des écrans, elle venait de faire son come-back dans un nouveau film d'horreur, et avait de nombreux projets pour l'année 2009.



Je sais, c'est triste aussi d'annoncer un décès un mois après, mais si vous comptiez sur la presse française ou la télévision pour en rendre compte, vous pouviez attendre encore un bon moment... Alors que le moindre pet de travers du père HALLYDAY fait la une de France-Soir, vous ne pensez quand même pas qu'on va gâcher du papier à vous annoncer la mort d'une comédienne indonésienne, et puis quoi encore ?...



De son vrai nom Suzanna Martha Frederika van Osch, SUZANNA, née le 14 octobre 1942 à Bogor, West Java, avait connu la gloire dès ses débuts, en 1958, dans le film Asrama Dara, pour lequel elle remporta le Best Child Actress Award. Et elle connut un véritable triomphe dans ce qui fut le tout premier film d'horreur (et non pas simplement fantastique ou mythologique) indonésien, le superbe Accouchement dans la tombe, d'Awaludin et Ali SAHAB, en 1971. Ce fut le début d'une carrière presque totalement consacrée à l'épouvante, ou à l'illustration de légendes locales. Dès 1972, elle fut couronnée du titre "d'actrice la plus populaire" au Festival Asia-Pacific de Séoul.
SUZANNA avait épousé le comédien Cliff SANGRA, de vingt ans son cadet, qui avait été son partenaire dans... Le Mariage de Nyi Blorong, titre prémonitoire... La plupart du temps, ses films furent dirigés par Sisworo Gautama PUTRA, alias Sam GARDNER. Certains de ces titres furent distribués en France, en tout cas en vidéo, comme le mythique La Reine de la magie noire...



En 1991, elle s'éloigna des studios pour plus de dix ans, avant de faire un come-back dans un feuilleton télé fantastique, Selma and the snake ghost (2003). Puis, au début de cette année, ce fut son retour au cinéma, longtemps espéré par ses nombreux fans, avec Hantu Ambulans (The Ambulance ghost). Le plaisir de la revoir n'aura été, hélas, que de courte durée...

LIEN :

Un sympathique hommage photographique sur YouTube.



LISTE DE SES PRINCIPAUX FILMS :

Asrama Dara (Usmar Ismail, 1958)

Beranak Dalam Kubur (Accouchement dans la tombe) (Awaludin & Ali Sahab, 1971)

Pulau Cinta (Love Island) (Ali Shahab, 1978)

Ratu Ilmu Hitam (Queen of Black Magic) (Lilik Sudjio, 1979)

Sundel Bolong (Ghost With Hole) (Sisworo Gautama Putra, 1981)

Nyi Blorong Putri Nyi Loro Kidul (The Snake Queen) (SGP, 1982)

Sangkuriang (Barbarian) (SGP, 1982)

Nyi Ageng Ratu Pemikat (SGP, 1983)

Perkawinan Nyi Blorong (Le mariage de Nyi Blorong) (SGP, 1983)

Telagat Angker / Kegelapan Telagat Maut (SGP, 1984)

Bangunnya Nyi Roro Kidul (SGP, 1985)

Ratu Sakti Calon Arang / Ratu Sakti Keselamatan (SGP, 1985)

Malam Jumat Kliwon (SGP, 1986)

Petualangan Cinta Nyi Blorong (Love Adventures of Nyi Blorong) (SGP, 1986)

Samson dan Delilah (La revanche de Samson) (SGP, 1987)

Malam Satu Suro (SGP, 1988)

Ratu Buaya Putih (White Crocodile Queen) (Tjut Djalil, 1988)

Santet - Ilmu Pelebur Nyawa (SGP, 1988)

Wanita Harimau (SGP, 1989)

Pusaka Penyebar Maut (SGP, 1990)

Titisan Dewi Ular (Descendant of Snake Goddess) (SGP, 1990)

Ajian Ratu Laut Kidul (SGP, 1991)

Bernafas Dalam Lumpur (The Longest Dark) (Turino Djunaidy, 1991)

Perjanjian di Malam Keramat / Surat Perjanjian (SGP, 1991)



vendredi 14 novembre 2008

vendredi 7 novembre 2008

TOILES FANTASTIQUES

Comme toujours, Bernard ALAPETITE nous offre, sur son blog, une superbe occasion de dessiller nos regards alourdis par le poids du réel.
C'est à la Mairie du VIème arrondissement que le rendez-vous est librement fixé à chacun(e) de vous, jusqu'au 22 novembre 2008, pour découvrir l'univers de Jean-Claude FARJAS.
Voici deux toiles qui m'ont tapé dans l'œil (la première est un portrait de notre cher Anthony PERKINS, de qui il était question ici-même quelques jours plus tôt).
P
our en savoir plus sur l'artiste et son œuvre, allez donc faire un tour du côté de chez Bernard -- autrement dit : ici. Vous ne le regretterez pas !




Et pour faire bonne mesure, je vous oriente sur le blog d'un autre peintre, particulièrement cher à mon cœur, et qui officie dans une veine voisine, celle d'un "fantastique réel" si rebelle au pinceau, à l'objectif, à la plume...
Ci-dessous, mes deux spécimens favoris de sa production pléthorique.


La Naufrageuse

Le Vieux cerisier


jeudi 6 novembre 2008

THE NUTTY PROFESSOR (Docteur Jerry et Mister Love - 1963)

"Jerry pense rose." Robert BENAYOUN



Commençons par un lieu commun doublé d'un euphémisme : Jerry LEWIS est un cas à part dans l'histoire du cinéma hollywoodien.
A l'apogée de son succès, dans les années 60, ses films attiraient les foules américaines tout en étant méprisés par la critique. En France, le phénomène s'inversa : notre pays fut le premier à considérer LEWIS comme un auteur
, tandis que le public réservait à ses œuvres un accueil plutôt mitigé. Il fut l'un des comédiens les plus populaires et les mieux payés de son temps, et il est aujourd'hui l'un des cinéastes majeurs les plus négligés des cinéphiles, privé de la pratique de son art par des producteurs qui le boudent depuis bientôt trente ans.
Il a fait l'objet de l'un des plus beaux livres jamais consacrés à un cinéaste par un critique français -- Bonjour Monsieur Lewis, de Robert BENAYOUN --, et ses films furent abondamment disséqués dans les années 60-70. De nos jours, son œuvre n'est plus évoquée dans aucune revue, et les médias ne s'intéressent à lui qu'une fois par an, à l'occasion du Téléthon, dont il fut l'instigateur.
Dans les nombreuses études qui lui furent jadis dédiées, les commentateurs s'extasiaient sur ses innovations et prouesses techniques, sa maîtrise virtuose du gag visuel, son art consommé de coloriste, le caractère iconoclaste, voire subversif, de son comique résolument ancré à gauche, et empreint d'un humanisme pessimiste.
Si la plupart des exégètes en appelaient à Freud pour élucider les implications sexuelles de ses films et justifier sa critique soutenue du matriarcat, s'ils s'étendaient volontiers sur le caractère conflictuel mais fondateur du duo qu'il forma avec Dean MARTIN, s'ils tombaient en pâmoison devant ses options picturales bariolées et outrancières, aucun n'a jamais risqué plus qu'une timide allusion à ce qui relève pourtant de l'évidence : l'univers lewisien, visuellement, thématiquement, est l'un des plus totalement
queers jamais vus à l'écran.
L'esthétique "gay-kitsch-camp" y est souveraine, et le "personnage Jerry", développé par LEWIS de film en film, peut être considéré comme l'une des incarnations cinématographiques les plus accomplies d'un caractère queer en mal d'adaptation au monde straight.
J'aimerais en faire la démonstration à travers l'étude de son film le plus connu (et le plus apprécié en France), Docteur Jerry et Mister Love, oeuvre charnière dans sa filmographie, en ce sens qu'elle marque l'aboutissement de son parcours artistique, à l'orée d'une "seconde période" qui, bien que riche en réussites, n'apportera aucun renouvellement notable.

Jerry LEWIS, le plus gay des grands cinéastes hétéros ?...
Comment résister à la tentation d'attribuer ce titre à un homme qui, le mois dernier, attisait la colère d'une partie de la communauté homo (en l'occurrence bien bêcheuse et chochotte) pour avoir prononcé -- une fois de plus et de trop -- le mot "faggot" (pédé) lors d'une interview télévisée ?
Oui, décidément, Mister LEWIS est un cas à part...




FICHE TECHNIQUE :

Réal : Jerry LEWIS - Scén : Jerry LEWIS, Bill RICHMOND - Photo : Wallace KELLEY - Mus : Walter SCHARF.
Avec : Jerry LEWIS, Stella STEVENS, Del MOORE, Kathleen FREEMAN, Howard MORRIS, Elvia ALLMAN.

RESUME :

Un timide professeur de chimie, Julius Kelp (J. LEWIS), tente de conquérir le coeur d'une de ses élèves, Stella (Stella STEVENS), en inventant une potion magique qui le transforme en un irrésistible playboy, Buddy Love (J. LEWIS).

L'AVIS DE BBJANE :

Il existe une toute autre façon d'envisager l'intrigue ; une optique moins conventionnelle, mais nullement décalée, et relevant d'autant moins du délire interprétatif qu'elle explique et résout ce que l'approche habituelle soulève d'incohérences scénaristiques.
Voici le résumé alternatif qui peut en découler :
Le professeur Kelp, homosexuel honteux et refoulé, s'emploie à affirmer sa virilité en tentant d'amorcer une relation amoureuse avec l'une de ses élèves, et en suivant des séances de culturisme. Ses échecs successifs le font opter pour une autre méthode, artificielle et chimique : il invente une potion lui permettant de devenir le mâle idéal, l'hétéro parfait, séducteur machiste et baraqué : Buddy Love. Mais il ne peut annihiler sa véritable nature, laquelle réapparaît aux moments les moins opportuns, et l'empêche de concrétiser physiquement la liaison entamée avec son étudiante. Au fil du temps, son autre personnalité, Buddy Love, révèle de plus en plus nettement ses propres inclinations sexuelles -- identiques à celles de Kelp. Ce dernier finit par renoncer à l'usage de sa potion -- mais non à la dissimulation de ses penchants, puisqu'il épousera son élève afin de donner le change à sa famille et à son entourage professionnel.
Moralité : si l'on n'échappe pas à ce qu'on est, mieux vaut n'en rien laisser paraître !


Les saines lectures du Dr Jerry


On a beaucoup glosé sur le fait que LEWIS (à l'instar de Terence FISHER, deux ans plus tôt, avec The Two faces of Dr Jekyll) inversait les données du roman de Robert-Louis STEVENSON dont il s'inspirait, à savoir : Jekyll/beau contre Hyde/laid. En vérité, cette inversion va au-delà de l'aspect physique des personnages. Elle est ici totale : la créature hideuse et le monstre social (car queer), c'est Jekyll/le professeur Kelp ; l'être séduisant et conforme aux attentes de la société, c'est Hyde/Buddy Love.
Le générique du film nous montre le professeur effectuant une expérience en classe. Seules ses mains sont cadrées, tandis qu'elles s'activent autour de diverses cornues et autres objets de chimie phalloïdes, jusqu'à ce que se produise une explosion ayant valeur d'orgasme.
Tentative symbolique de destruction de l'ordre établi, comme l'écrivirent les critiques ? Sans doute, mais également séance d'onanisme exhibitionniste, suscitant la fuite des témoins (les étudiants) d'abord médusés, puis indignés.


Fais gaffe, Jerry !... Ça rend sourd !...

De manière significative, c'est dans un placard que Kelp se retrouvera coincé par l'un de ses élèves, qui veut ainsi se venger du fait que le professeur lui ait interdit de se rendre à un entraînement de foot. Car Kelp n'éprouve aucun intérêt pour le sport (carence souvent suspecte aux yeux de la jeunesse américaine), et manifeste même un certain mépris à l'égard de cette discipline.
Pour ne rien arranger, il n'est pas davantage intéressé par les femmes -- on se demande, à ce propos, où les commentateurs du film sont allés pêcher l'idée qu'il crée avant tout sa fameuse mixture pour séduire son élève Stella, si l'on considère l'absence totale d'érotisation de leurs rapports.
Dans l'ensemble des films de LEWIS, le potentiel érotique des personnages féminins est généralement fort congru (nous sommes loin, sur ce point, des notations graveleuses d'un Mel BROOKS, et du cinéma comique américain en général). Même dans Le Tombeur de ces dames (The Ladies' man - 1961), où le pôle majeur de l'intrigue est la séduction féminine, celle-ci n'est appréhendée que comme un objet d'effroi ; elle se manifeste à travers un glamour sacralisé et quelque peu figé, n'ayant rien de charnel -- mais typique, en revanche, de l'imagerie gay.


Jerry in the closet

Si ce n'est de séduire, quelle est l'utilité de la potion ?
Tout simplement de changer son image, de faire naître une personnalité acceptable par ses concitoyens, ne laissant plus rien subsister de la nature profonde de Kelp. La finalité de l'expérience n'est pas d'ordre sentimental, mais social : il s'agit, pour le professeur, de perdre sa voix haut perchée, ses manières efféminées (voir l'extraordinaire scène du bal de l'université, où Kelp se laisse gagner par le rythme de la musique, et entame une sorte de danse immobile où s'exprime la folle cachée en lui), de devenir, non pas ce qu'il rêve d'être, mais ce que les autres souhaiteraient qu'il soit. Un symbole de ce besoin d'en faire accroire qui taraude le professeur, peut être vu dans sa montre-gousset, laquelle, une fois ouverte, laisse échapper les accords tonitruants de la "Marche des Marines" -- il la laissera accidentellement choir dans un aquarium, noyant ainsi son effort d'affirmation de ce qu'il n'est pas.
Contrairement à ce qui se passe chez STEVENSON, Jekyll/Kelp ne libère pas son "Ça" en devenant Hyde/Love, mais son Surmoi.


Ceci n'est pas un câlin
(Le professeur Kelp au gymnase)

La scène de transformation -- moment de bravoure dans toute adaptation du roman de STEVENSON -- offre une vision grotesque du processus de virilisation. Avant de devenir un mâle accompli, Kelp passe par un stade quasi neanderthalien, devient une sorte d'homme des cavernes couvert de poils, comme si l'accès à la forme idéale de la masculinité impliquait une régression, un retour à la bestialité. Il est intéressant de noter qu'au stade ultime de sa transformation, le professeur se recroqueville sur le sol de son laboratoire dans une mare de produits chimiques aux couleurs de... l'arc-en-ciel.
Malheureusement pour Kelp, si Buddy Love s'avère être l'incarnation parfaite du tombeur hétéro, infatué de son charisme et plein de morgue, il n'en présente pas moins certains traits ambigus. Et si son pouvoir de séduction opère assez largement sur le sexe opposé (non sans certaines réserves que nous verrons plus loin), il ne manifeste aucune envie spontanée d'en user, et semble tirer tout autant de satisfaction -- sinon davantage -- du prestige qu'il exerce sur les hommes.


Over the rainbow

Grisé par sa propre apparence, Buddy Love goûte avec délection aux plaisirs narcissiques, s'attirant bientôt cette remarque de celle qu'il est censé courtiser : "Tu auras une longue histoire d'amour avec toi-même."
Lors de son entrée, filmée en caméra subjective, dans la boîte de nuit "The Purple Pit" (aux couleurs moins pourpres que roses), sa vue arrache un hurlement à l'une des demoiselles qu'il croise. Le visage de Buddy nous est montré pour la première fois suite à ce cri d'effroi, plutôt que d'extase, qui semble faire office d'avertissement : derrière l'image du bellâtre se cache quelque chose de terrifiant, qui ne saurait échapper aux yeux de certaines femmes.
Love se dirige directement vers Stella, l'élève que le professeur Kelp s'est désignée comme compagne possible. Mais la jeune fille sage et un brin timorée de l'Université, apparaît sensiblement plus féminine et libérée dans le cadre de la boîte de nuit, ce que Love semble apprécier modérément (il refusera de l'embrasser parce qu'elle porte du rouge à lèvres). Il manifeste une attention plus décomplexée aux jeunes hommes présents dans la boîte, que ce soit pour s'affronter à eux (il rosse l'un des élèves de Kelp), ou pour les taquiner gentiment ("Je vous laisserai jouer avec mon porte-clef" dit-il à un groupe de garçons pour les inciter à lui céder leur banquette).


Les caïds du "Purple Pink"... euh, pardon : "Pit"... A croquer !...

Quand Love se manifestera au campus où enseigne Kelp, ce sera pour jouer une singulière autant qu'hilarante comédie de la séduction avec le doyen de l'établissement, poussant ce dernier à dévoiler sa face cachée : celle d'une vieille tante émoustillée par la présence de ce bel homme entre ses murs. Ces scènes de parade amoureuse entre un homme mûr, détenteur de l'autorité ou de la force, et un élément perturbateur plus jeune, sont fréquentes dans le cinéma lewisien. La séquence dans le bureau du doyen en offre une expression définitive : elle s'achève par le déculottage du noble vieillard, après que Buddy lui a tourné la tête en le féminisant verbalement (il ne s'adresse à lui qu'en termes féminins : "Ma grande" ou "Fais pas ta modeste"), et en le comparant à Cary GRANT (grande figure de l'homosexualité hollywoodienne, s'il en fut).


Pas folle, la guêpe ?
(Del MOORE en plein émoi)

Mais c'est surtout dans ses rapports avec Stella que se révèle la nature profonde de Buddy Love. Ce séducteur impénitent est incapable de dépasser le stade du flirt, n'embrasse la jeune fille qu'à la sauvette et avec une gêne marquée, et, lorsqu'il est sur le point de passer aux choses sérieuses, doit y renoncer pour cause de transformation inopinée en professeur Kelp ! Sentant sa personnalité initiale prendre le dessus, il s'enfuit à toutes jambes du lieu où doit se dérouler l'étreinte tant attendue -- par Stella...
Quand celle-ci se plaindra à Kelp du comportement décidément étrange de Buddy, le professeur lui répondra que Love "cache sa vraie nature pour éviter qu'on lui fasse du mal."
Quelle "vraie nature" ?... "Quel "mal" ?... S'il faut trouver une explication à cette réplique sibylline, je ne la vois que dans une réaction de dissimulation protectrice contre les attaques homophobes.
Stella aura cette repartie amère et révélatrice : "Je me sens comme une mariée le soir de ses noces, dont le mari va dîner chez sa mère !"
C'est précisément le souvenir de cette mère que Kelp invoquera lorsqu'il s'interrogera sur les véritables raisons de sa double personnalité, et sur les effets contrastés de sa potion. Et la vision que nous aurons d'elle sera conforme en tout point à l'image classique de la mère lewisienne : une épouvantable matrone régnant par la terreur sur son entourage, et particulièrement sur son chétif époux -- mère forte, père craintif : on connaît la chanson...


Notre Mère qui êtes odieuse...
(Elvia ALLMAN)

Selon la tradition, le film s'achève par la révélation de la véritable identité de Hyde/Love devant des tiers -- ici, tout un parterre, puisque l'événement se déroule lors du bal annuel du campus, où Buddy Love est convié à chanter. Plus que jamais, cette scène classique des diverses adaptations de Jekyll et Hyde prend valeur de "coming-out".
Alors qu'il doit entamer une nouvelle chanson ("Qui plaît beaucoup aux copains du 'Purple Pit'", précise-t-il, avant de prier le doyen transi de lui pardonner d'avoir nommé ce lieu de débauche), notre crooner se retrouve inopinément affligé de la voix de fausset de Kelp, puis recouvre l'apparence disgracieuse du professeur.
Pour s'excuser d'avoir trompé son entourage, il déclare renoncer à se transformer désormais en Buddy Love : "Je ne veux pas être ce que je ne suis pas. Il faut s'accepter tel qu'on est."
Une résolution d'autant plus facile à prendre que l'identité de Buddy trahit finalement plus nettement ce qu'EST le professeur...
En ce sens, les propos de Kelp, loin de constituer une apologie de la transparence et de la réconciliation avec soi-même, prennent un goût terriblement saumâtre. Ils n'annoncent pas une volonté de s'assumer en tant que gay, mais l'inverse. En demeurant Kelp, le professeur s'expose moins, tout compte fait, à exprimer/trahir sa nature authentique, qu'en continuant d'être le trop fantasque, voyant et tapageur Buddy Love.
Il peut même envisager de convoler avec Stella, qui se révèle être le type parfait de la "fille à pédés" -- lorsque Kelp lui déclare : "Je ne serai jamais le mâle que vous voulez", elle lui assure que c'est aussi bien comme ça !
Le film s'achève sur un plan de Stella et Kelp s'éloignant de la caméra, bras dessus bras dessous. Dans les poches arrières du pantalon de la jeune fille, on remarque plusieurs flacons de la potion magique, qu'elle emporte à l'insu de son compagnon...
Au cas où la fade cuisine du couple hétéro aurait besoin d'être relevée par un filet de piment queer ?...


La danse de Saint Gay

LIENS :

La fameuse danse de Saint Gay, justement !... Si vous déniez du génie à ce type, je me refais hétéro !...
C'est ici, et sur VouzenTube...
in Gorgeous Gay Colors !...

Son remix queer, par Biggie... Pas indispensable, vu que ça souligne l'évidence, mais sympa quand même...


mardi 4 novembre 2008

SORORITY GIRLS FROM HELL

Votre pauvre BB a bien de la peine à rédiger un post un peu consistant, en ce moment (mais elle s'y active...)
Afin de combler les trous -- plutôt que de trouer les combles --, je vous propose une vidéo VouzenTube, qui connut un franc succès dans les bars et clubs gays
, au cours des années 90.
Il s'agit d'un très court métrage tourné au début des années 80, et diffusé, à l'époque, en interlude entre deux films sur la chaîne HBO.
La morale profonde de l'histoire est : ne posez jamais de question banale à une nana (du genre : "Dans quel collège es-tu allée ?") La logorrhée qu'elle risque d'engendrer peut s'avérer catastrophique.
Cliquez sur l'image ci-dessous pour en (sa)voir plus, si vous avez trois minutes et quarante-huit secondes devant vous...


Cliquez !

Absolutely fabulous, isn't it ?...


lundi 3 novembre 2008

LE CHANT DU CELIBATAIRE

Alors qu'il faisait un sort à Janet LEIGH, de la manière que vous savez, en un lieu que vous n'ignorez pas, et dans un film que vous connaissez bien, Anthony PERKINS montait sur la scène du Alvin Theatre, à Broadway, pour vocaliser sa souffrance de ne pouvoir trouver femme, dans Greenwillow (1959 ou 1960, selon les sources), la comédie musicale de Frank LOESSER.


Cliquez !

En cliquant sur la photo de notre cher Tony, vous aurez un aperçu de sa prestation (effrayante -- et craquante ! -- de cabotinage), grâce à une vidéo YouTube retransmise par Xavier, sur son indispensable blog Broadway, baby. (J'ai choisi une autre vidéo que celle de Xavier, laquelle présente un décalage synchro un peu gênant...)
Etant éperdument éprise de PERKINS depuis mon plus jeune âge (c'est aussi le cas de mon amoureux -- ce qui, en quelque sorte, "solidarise" nos occupations solitaires...), je ne pouvais manquer de vous orienter sur cette merveille...
Après avoir visionné ce grand moment d'émotion, ruez-vous sur Broadway Baby, et sur sa petite soeur : Folk Furieuse... Sans parler de Yagg, qui vient tout juste de naître... Soyez présent(e)s à son accouchement !... et plus vite que ça !...


samedi 1 novembre 2008

QUI PREND LE RELAIS ?...

Miss WENDELL a eu l'excellente idée de renchérir sur ma sélection de films "halloweenesques" d'hier. Allez vite découvrir ses propres suggestions, pas plus loin qu'ici !


Le titre le plus queer de la liste de Miss WENDELL

A qui le tour ?...