vendredi 25 février 2011

LOST HORIZONS BENEATH THE HOLLYWOOD SIGN


(La plupart des photos illustrant cet article sont la propriété de David DEL VALLE)

Voilà très exactement le bouquin que je rêvais de lire sans jamais oser le demander !
Je n'irai pas par quatre chemins : si vous êtes cinéphile, épris de fantastique, homosexuel et anglophone, ce livre est non seulement indispensable, mais il risque fort de ne plus quitter votre table de chevet ! Son auteur, David DEL VALLE, est bien connu des fantasticophiles anglo-saxons pour ses articles érudits et passionnés, publiés dans des revues comme "Films in Review", "Fangoria", "Scarlet Street" ou "Video Watchdog". En France, certaines de ses chroniques et interviews ont été traduites dans le défunt magazine "Fantastika". Depuis quelques années, il tient une rubrique régulière (Camp David, dont le dernier post est consacré à son idole et ami Vincent PRICE) dans la version web de "Films in Review" ; ce sont certains textes de cette rubrique qui sont compilés dans Lost Horizons Beneath the Hollywood Sign. Il réalisa également l'interview définitive de Vincent PRICE pour son émission destinée à la télé câblée, Sinister Image, dans laquelle il reçut de nombreux invités de marque. Enfin, il vient tout juste de créer son propre blog, The Del Valle Archives.


David est l'un des plus importants collectionneurs de memorabilias ayant trait aux genres "fantastique" et S.F., et ses archives sont régulièrement mises à contribution par les éditeurs de magazines ou de livres de cinéma.
Au début des années 80, après avoir tenté une carrière d'acteur qui resta sans lendemain, il se lança dans le métier d'impresario, en observant un principe aussi louable que peu lucratif : devenir l'agent de comédiens qu'il avait chéris dans sa jeunesse, vedettes oubliées ou aux carrières déclinantes, seconds rôles peu connus du grand public, ex-stars de l'épouvante. Ce sont les souvenirs de cette expérience qu'il relate dans son livre, dont le ton et les anecdotes évoquent une sorte de Boulevard du crépuscule fantastique (et gay), dont l'auteur pourrait être un petit-neveu de Joe Gillis -- mais qui, contrairement au héros de Billy WILDER, serait sincèrement épris de Norma Desmond et des stars déchues qu'il côtoie.

David DEL VALLE

Homosexuel, David DEL VALLE fréquenta tout naturellement le "gay Hollywood" et ses icônes, sans pourtant chercher spécifiquement à intégrer ce milieu. Il se trouve (et c'est l'un des aspects les plus fascinants de son livre) que sa passion pour le fantastique, l'épouvante et autres genres déviants, l'incita à rencontrer ses idoles lorsqu'il en eut l'opportunité, et que celles-ci étaient souvent gays, ou "gay friendly". A ce titre, Lost Horizons constitue une remarquable illustration de la filiation spontanée, ou du "lien inconscient", existant entre fantasticophilie et culture gay, et rejoint le propos que je défends et tente d'illustrer sur ce blog.
En pénétrant le cercle des artisans des "horror pictures" des années 60 et 70, DEL VALLE se frotte également à tout un pan de la culture homo, mal connu des cinéphiles européens, mais d'où découle une grande part de la sensibilité gay actuelle.

David DEL VALLE (droite), avec l'actrice Martine BESWICK et le comédien Robert QUARRY

Au sommaire de l'ouvrage, dont chaque chapitre est consacré à une figure emblématique de Hollywood croisée par l'auteur ou avec qui il se lia d'amitié, nous rencontrons des noms aussi illustres que Christopher LEE, Vincent PRICE, Helmut BERGER ou Kenneth ANGER, mais également des personnalités moins célèbres mais tout aussi fascinantes (et qui jouissent souvent d'un statut "culte" auprès des aficionados), comme Robert QUARRY, Angelo ROSSITO, Vladek SHEYBAL et John LA ZAR. Les plus savoureux portraits sont d'ailleurs dédiés aux comédiens et cinéastes les moins connus du grand public, voire à des figures obscures et extravagantes, comme Paul MARCO, acteur de troisième ou quatrième plan dans les films du maître du nanar, Ed WOOD, vivant dans la misère mais convaincu d'être une star, et doté du génie de l'auto-promotion miteuse ; ou l'inénarrable Samson DE BRIER, baptisé "La Perversa" par DEL VALLE, grande folle wildienne et pique-assiette patenté, vivotant d'un reste faisandé de renommée acquise dans les films de Kenneth ANGER, et dont la langue acérée et les coups bas faisaient le désespoir de son entourage.


Samson DE BRIER

David DEL VALLE évoque tout ce petit (ou grand) monde sans langue de bois, et même parfois avec une sacrée langue de pute, mais sans se départir -- même envers les cas les plus déplaisants -- d'une tendresse et d'une compréhension qui donnent au livre une tonalité chaleureuse et humaine particulièrement appréciable.
Parmi les passages les plus délectables (mais l'ouvrage l'est d'un bout à l'autre), je retiendrai l'évocation de Joyce JAMESON, talentueuse comédienne des années 50/60 qui connut son heure de gloire dans le registre de la comédie auprès de Red SKELTON, Danny KAYE et Steve ALLEN, avant de prendre du poids, de s'éloigner volontairement des caméras, et de se suicider en 1987 ; la soirée donnée par CBS en l'honneur de Jack LEMMON, à laquelle DEL VALLE accompagna JAMESON, et où celle-ci reçut un hommage inattendu de la part de ses pairs, fournit l'un des moments les plus poignants du livre.


Joyce JAMESON et Vincent PRICE dans The Comedy of Terrors

Autre évocation mémorable, celle des retrouvailles de John ABBOTT et Martin KOSLEK, deux seconds rôles vétérans de l'Age d'Or, qui ne s'étaient guère fréquentés sur les plateaux et se trouvèrent tardivement réunis, le temps d'une soirée houleuse, par un jeune fan de Basil RATHBONE, avec qui tous deux avaient joué. Pour complaire au séduisant jeune homme, les deux vieux acteurs, qui n'avaient en commun que leur homosexualité, découvrirent en quelques heures l'étendue de leurs différences, particulièrement après que KOSLEK, alcoolique invétéré, eût frôlé le coma éthylique dans la demeure de son hôte !


Martin KOSLEK et John ABBOTT

On savourera aussi les pages consacrées à Michael ARMSTRONG (réalisateur de La Marque du Diable, que DEL VALLE hébergea durant plusieurs mois à Los Angeles, lorsque le jeune metteur en scène et scénariste anglais tenta de s'y faire un nom), Curtis HARRINGTON (spécialiste du mélodrame gériatrique post-Baby Jane, qui fut aussi l'un des initiateurs du cinéma gay expérimental et indépendant des années 40, et un grand cinéaste Camp) ou l'extraordinaire Frances FAYE (chanteuse et pianiste de cabaret, bisexuelle flamboyante et vindicative, qui inspira aussi bien Judy GARLAND que Bette MIDLER ou les Beatles).


Curtis HARRINGTON


Curtis HARRINGTON dans son dernier film, le court-métrage Usher

En vérité, c'est chaque chapitre du livre qu'il faudrait citer, aussi le meilleur conseil que je puis vous donner est de le commander sans retard, et en toute confiance.
Sur amazon.fr (comptez un bon mois avant la livraison), ou directement auprès de l'éditeur, BearManor Media.