Comédien, scénariste, réalisateur espagnol spécialisé dans le fantastique, Paul NASCHY (de son vrai nom Jacinto MOLINA), est décédé d'un cancer le 30 novembre 2009.
N'ayez crainte, les médias de vous en rabattront pas les oreilles. Et pourtant, Naschy est un mythe. La dernière « horror star » du cinéma d'épouvante, ayant interprété tous les grands rôles du répertoire : le loup-garou d'abord (en tant que scénariste et acteur, il créa le personnage de Waldemar Daninsky, lycanthrope « à l'ancienne », héritier direct du Larry Talbot interprété par Lon CHANEY Jr. dans les films Universal des années 40), Dracula, Dr Jekyll et Mister Hyde, la Momie, la créature de Frankenstein, Jack l'Eventreur, les docteurs Fu Manchu et Petiot, le serial killer Juan Andrés Aldije (dans El Huerto del Frances, qu'il réalisa en 1977), sans parler d'autres personnages directement issus de sa plume, comme Alaric de Marnac (un avatar de Gilles de Rais), ou Gotho, le Bossu de la Morgue (qui lui valut le prix d'interprétation masculine au Festival International de Paris du Film Fantastique et de S.F., en 1973).
La Furia Del Hombre Lobo (José Maria ZABALZA, 1970)
D'aucuns diront que j'exagère en présentant Naschy comme la dernière grande star de l'épouvante, puisque Christopher Lee est toujours parmi nous. Soit. Le problème avec Lee, c'est qu'il fut un peu trop porté à cracher dans la soupe. Le fantastique était pour lui essentiellement alimentaire (quand bien même il s'intéressa un temps à l'occultisme), et somme toute indigne du grand comédien qu'il rêvait d'être – et fut souvent. Bref, il me semble que Lee s'est désolidarisé du genre il y a longtemps, et ce ne sont pas ses prestations récentes dans les guignolades boursouflées de Lucas et Jackson qui changeront quoi que ce soit à la donne. Tandis que Naschy était un amoureux du fantastique, un pur, un éperdu. Durant les années 70, il fut le seul en Espagne – et l'un des rares en Europe, avec les artisans de la Hammer Films – à pratiquer une approche gothique du cinéma d'épouvante, tout d'abord en tant qu'interprète, puis, lorsque le classicisme fut passé de mode, en passant à la mise en scène par amour du genre, pour défendre des conceptions qui n'intéressaient plus grand-monde. Ce qui le différencie de la plupart des autres cinéastes et comédiens de l'"écran fantastique", c'est la sincérité de sa démarche, uniquement guidée par la passion, et faisant fi de tout mercantilisme – ce qui ne fut pas toujours le cas de la Hammer.
Lorsque le Caudillo cassa sa noble pipe, ce fut encore pire pour Paulo. Les nouvelles instances ne finançaient plus que des films engagés et gauchisants, et le fantastique, cette distraction bourgeoise tout juste bonne à satisfaire les déviances de quelques attardés psychotiques, se retrouva banni encore plus farouchement qu'au bon vieux temps du père Franco. Autre époque, autres diktats – même opprobre pour un artiste farouchement attaché à sa passion pour l'étrange et son patrimoine. La politique peut bien changer ; la censure, elle, est immuable.
S'il fallait désigner mes titres préférés dans sa copieuse filmographie (et on me signale qu'il le faut), je citerais donc : El Caminante (Jacinto Molina/NASCHY, 1979), aventures picaresques d'un diable vagabond dans l'Espagne médiévale, Inquisicion (Jacinto MOLINA/NASCHY, 1976), qui, comme son titre l'indique, s'intéresse moins à l'élevage des cervidés en milieu aquatique qu'aux crapuleuses exactions des chasseurs de Carabosses, El Aullido del Diablo (Jacinto MOLINA/NASCHY, 1988), fabuleux hommage à la Universal, dans lequel Naschy joue les frégolis de cauchemar en incarnant tous les grands monstres du répertoire (le film lui valut d'être accusé de plagiat par le critique Salvador SAINZ qui se disait auteur du scénario, et plomba sa carrière durant les années 90), et le sublimement émouvant Rojo Sangre (Christian MOLINA, 2004), son testament artistique, dans lequel il joue plus ou moins son propre rôle, celui d'un vieil acteur méprisé par la génération montante, et qui décime sauvagement les responsables de sa mouise. Cette méditation campy et vénère sur le déclin d'un genre et de ses artisans permit à Naschy de tirer une magistrale révérence. Il y livre, sans aucun doute, la plus belle prestation de sa carrière.
El Espanto surge de la Tomba (Carlos AURED, 1972)
Tout cela, répétons-le, dans l'Espagne des années 70, ce qui lui attira les foudres de la censure franquiste, évidemment hostile à un genre peu conforme à l'orthodoxie du régime (« Des loups-garous et des vampires ? Dans notre chère Espagne catholique et chrétienne ?... Vous plaisantez, mon brave !... ») Le seul moyen pour Paulo d'obtenir l'aval des autorités culturelles fut de « délocaliser » régulièrement l'action de ses scénarios dans d'autres pays d'Europe (ce qui nous valut quelques œuvres croquignolettes, comme une Furie des Vampires (La Noche de Walpurgis, Leon KLIMOVSKY, 1970) se déroulant dans un Nord de la France planté de magnifiques palmiers !)Lorsque le Caudillo cassa sa noble pipe, ce fut encore pire pour Paulo. Les nouvelles instances ne finançaient plus que des films engagés et gauchisants, et le fantastique, cette distraction bourgeoise tout juste bonne à satisfaire les déviances de quelques attardés psychotiques, se retrouva banni encore plus farouchement qu'au bon vieux temps du père Franco. Autre époque, autres diktats – même opprobre pour un artiste farouchement attaché à sa passion pour l'étrange et son patrimoine. La politique peut bien changer ; la censure, elle, est immuable.
Le Bossu de la Morgue (Javier AGUIRRE, 1972)
Pour ce qui est de l'homosexualité dans l'œuvre de notre homme, désolée mes chéries, mais à moins d'extrapoler gravement, je n'en vois nulle trace. Paulo était solidement hétéro, bien loin des thématiques qui nous occupent à Fears for Queers, et si le lesbianisme apparaît parfois dans ses films, c'est dans l'optique bandulatoire chère aux fanatiques du beau sexe, qui n'aiment rien tant que d'en voir deux représentantes se gougnotter pour la beauté du geste. Seule exception, El Transexual (José Jara, 1977), sur le cas de Lorena Capelli, un travesti qui mourut des suites de son opération de changement de sexe. Le film étant introuvable à ma connaissance, je ne m'attarderai pas sur son cas.S'il fallait désigner mes titres préférés dans sa copieuse filmographie (et on me signale qu'il le faut), je citerais donc : El Caminante (Jacinto Molina/NASCHY, 1979), aventures picaresques d'un diable vagabond dans l'Espagne médiévale, Inquisicion (Jacinto MOLINA/NASCHY, 1976), qui, comme son titre l'indique, s'intéresse moins à l'élevage des cervidés en milieu aquatique qu'aux crapuleuses exactions des chasseurs de Carabosses, El Aullido del Diablo (Jacinto MOLINA/NASCHY, 1988), fabuleux hommage à la Universal, dans lequel Naschy joue les frégolis de cauchemar en incarnant tous les grands monstres du répertoire (le film lui valut d'être accusé de plagiat par le critique Salvador SAINZ qui se disait auteur du scénario, et plomba sa carrière durant les années 90), et le sublimement émouvant Rojo Sangre (Christian MOLINA, 2004), son testament artistique, dans lequel il joue plus ou moins son propre rôle, celui d'un vieil acteur méprisé par la génération montante, et qui décime sauvagement les responsables de sa mouise. Cette méditation campy et vénère sur le déclin d'un genre et de ses artisans permit à Naschy de tirer une magistrale révérence. Il y livre, sans aucun doute, la plus belle prestation de sa carrière.
3 commentaires:
IL EST PARTI REJOINDRE LON CHANEY JR, CELUI QUI FUT POUR LUI SOURCE DE FABULEUSE INSPIRATION...
QUAND UN ARTISAN DU CINEMA FANTASTIQUE NOUS QUITTE, ON NE PEUT QUE S'INCLINER AVEC LE PLUS GRAND RESPECT!!!
Moi, j'avoue que l'élevage des cervidés en milieu aquatique me fait bien fantasmer, encore plus que le waqueuteu qui, comme chacun sait, est un animal nocturne aquatique (aussi) :p
hommage a ce fan de fantastique qui investissat sa fortune familiale pour réaliser sa passion.
Si les espagnols ne nous ont pas innondé de productions le résultat est toujours très motivé, sensuel et sanglant......
"ACTION MUTANTE"
Dr FrAnKeIn$OunD
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