jeudi 27 août 2009

"FEARS FOR QUEERS" FAIT PEAU NEUVE

Après un an de loyaux (et bons ?...) services, FEARS FOR QUEERS fait peau neuve. Votre BB chérie commençait à se lasser du fond rose et de l’étroitesse d’espace textuel de la version initiale.
Ce relooking fait écho à ma volonté, pieusement énoncée dans le précédent post, de donner un petit coup de fouet au blog, en m’efforçant de l’alimenter plus régulièrement, fût-ce par de courts articles.
Rendez-vous en septembre, et d’ici-là : portez-vous bien !...


Ariel
(Illustration de Paul WOODROFFE [1854-1954] pour "La Tempête" de Shakespeare)

vendredi 14 août 2009

Confession d'une blogueuse justifiée

Dans une semaine, Fears for Queers aura un an. C’est court pour dresser un bilan, mais je ne puis m’empêcher de noter ici quelques réflexions sur ma jeune expérience de la blogosphère.
Les plus grandes satisfactions que j’en retire sont avant tout d’ordre amical. Bien que ne m’étant pas engagée très avant dans la vie communautaire des blogueurs (je ne participe à aucun forum ni aux divers regroupements proposés par les plateformes d’hébergement), j’ai eu à cœur de visiter le plus de blogs possible dans les domaines qui me sont chers, en profitant de chaque lien s’offrant à mon curseur, et j’ai pris plaisir à faire partager mes coups de cœur à mes quelques lecteurs. J’ai pu, modestement, susciter des contacts -- et en bénéficier largement moi-même, grâces en soient rendues à celles et ceux d’entre vous qui n’ont pas hésité à promouvoir Fears for Queers auprès de leur entourage. Je ne citerai qu’un seul nom à la fin de ce post, mais mes remerciements s’adressent, sans exception, à tous ceux qui m’ont contactée et encouragée au cours de l’année écoulée.



Mon plus grand regret est de ne meubler cet espace que chichement, et irrégulièrement. 52 posts en 365 jours, c’est peu, j’en conviens.
Je n’ai jamais envisagé de créer un blog journalier -- format adapté aux diaristes du net, que je respecte (du moins, certains d’entre eux), mais au nombre desquels je ne me compte pas. Il m’arrive cependant de me traiter de fainéante, surtout lorsque je rends visite à certains de mes confrères, comme celui-ci, qui réussissent l’exploit d’alimenter leur site quasi quotidiennement, en maintenant imperturbablement une qualité et un intérêt égaux.
Du reste, mes ambitions sont assez limitées. Je ne suis pas une assidue des statistiques de visites (en toute franchise, je n’ai jamais consulté celles de Fears -- j’ignore d’ailleurs comment on y parvient ; quant à The Bi-Queen Way, elles plafonnent à 25 égarés par jour, ce dont je m’accommode fort bien), et je m’estime heureuse de compter quelques fidèles authentiques – et patients !... Pour tout vous dire, je suis encore surprise que le cercle de mes lecteurs excède celui de ma famille et de mes plus proches amis...



Au départ, j’ai créé Fears for Queers comme contrepoint à un projet d’écriture. Je comptais m’atteler à une copieuse étude sur l’homosexualité dans le cinéma fantastique, et je voulais tester les éventuelles réactions à ce thème, voir s’il pouvait susciter un intérêt quelconque, et soumettre mes premières pages à l’attention de mes amis. Le résultat a dépassé mes espérances, grâce, en particulier, au monsieur que je nommerai tout à l’heure, et qui m’a ouvert une audience imprévue. J’ai immédiatement constaté à quel point l'entretien d’un blog peut être chronophage -- à moins d’user éhontément du copier-coller, de se passer d’illustrations, de ne pas répondre aux commentateurs, et de renoncer à entretenir avec eux une correspondance annexe.
En cours d’année, l’étude que j’envisageais a totalement changé de sujet, et la rédaction des posts s’est donc dissociée du travail en cours. Désormais, l’écriture d’un article pour Fears fait vraiment partie de mes délassements, des plaisirs que je m’accorde en dehors du boulot -- d’où le ralentissement des publications… faut bien bosser un peu, quand même, et les activités ne m’ont pas fait défaut cette année...
Si j’ai pris un plaisir semblable à rédiger chacun des papiers que j’ai mis en ligne, c'est sans doute celui-ci qui me tient le plus à cœur à ce jour. Il concrétise un rêve d’adolescente, et correspond à une rencontre très chaleureuse et gratifiante. Tenir un blog aurait probablement été un autre de mes rêves lorsque j’étais ado, autrement dit bien avant la généralisation de l’Internet. Le faire aujourd’hui, à mon âge avancé, me procure un bonheur égal et non moins juvénile, que j’espère partagé.



Mes projets pour Fears en vue des douze prochains mois ?...
Essayer de renouer avec les études de films un peu copieuses et détaillées -- mais je sais d’avance que ce ne sera pas facile…
Poursuivre la découverte et la défense du cinéma fantastique queer indépendant et CONTEMPORAIN -- américain, parce qu’il est le plus productif ; européen, lorsque se présenteront des opportunités stimulantes (quelques-unes semblent se profiler)…
Enfin, m’efforcer d’être un peu plus présente -- fut-ce brièvement --, peut-être en élargissant le spectre des sujets traités au-delà du seul cinéma, mais en demeurant dans le domaine de l’image (désolée, mes chéri(e)s… je ne causerai pas de littérature, je serais tentée d’en dire trop de mal… c’est un peu ma partie, et je manquerais par trop d’objectivité…)



Pour conclure, un grand merci à un ami très cher, pourvoyeur de lecteurs, remonteur de moral, relayeur de ma prose et botteur de mon prose quand il est trop flemmard, partageur (trop rare) de mes bouteilles, fourvoyeur de mon jugement, fossoyeur de ma pudeur, pourfendeur de ma modestie, sœur de cœur : Daniel C. HALL.
Daniel, je te dédie cette chanson, et son interprète t'embrasse avec chaleur :

I've written a letter to Dani
by BBJane HUDSON :





Pensées à toi, Dani, et tendresses à tous…
On se retrouve à la prochaine récré ?...



mercredi 12 août 2009

THE BLOOD SHED (Alan Rowe Kelly - 2006)

Second d'une série de trois posts consacrés au cinéaste et comédien Alan ROWE KELLY. Le premier peut être lu ici. Biographie et interview suivront en octobre.



FICHE TECHNIQUE :

Réal. & Scén. : Alan ROWE KELLY - Photo : Bart MASTRONARDI - Musique : Tom BURNS - Décors : Sandra SCHALLER - Prod. : Brian JUDE et Rachel GORDON
Avec : Alan ROWE KELLY, Terry WEST, Joshua NELSON, Mike LANE, Susan ADRIENSEN, Jerry MURDOCK, Zoe DEALMAN CHLANDA, Katherine O'SULLIVAN

L'AVIS DE BBJANE :
La jaquette du DVD annonce honnêtement la couleur : « Rien d’autre que l’habituelle famille de péquenauds cannibales consanguins ». Nous autres, cinéphiles sanguinolâtres, connaissons la chanson sur le bout des croches depuis Massacre à la tronçonneuse (Tobe HOOPER, 1974) et sa flopée de dérivés plus ou moins officiels : une tribu de tarés congénitaux, ayant un goût immodéré pour la chair de touristes, exerce ses méfaits dans un recoin paumé de l’Amérique profonde.
Pour son deuxième film, Alan ROWE KELLY tourne résolument le dos à l’esthétique classieuse et gothique qui caractérisait I’ll Bury you tomorrow (2002), et s’immerge dans la bouffonnerie gore décomplexée, le pur délire horrifique à la H.G. LEWIS ou Tobe HOOPER. Mais au-delà des références (nombreuses) à ses prédécesseurs, The Blood Shed se distingue par le jusqu’au-boutisme propre à son auteur, et par l’évidente sympathie qu’il éprouve pour son clan de barjots, aussi répugnant soit-il.
Le grand intérêt des bandes de ce genre, en plus de leurs sanglantes péripéties, réside dans la galerie de trognes qu’ils alignent. Plus affreux seront les jojos, plus jouissif sera le film. Sur ce point, The Blood Shed nous gâte tout particulièrement. La famille Bullion compte un père abruti et incestueux, deux filles gravement en retard sur leur âge, deux garçons non moins demeurés, une grand-mère canonique impotente et baveuse, mais conservant un solide coup de dents. La principale occupation de ces torves viceloques est d’occire les infortunés citadins ayant l’impudence de coloniser leur cambrousse.



En digne émule de John WATERS, Alan ROWE KELLY n’hésite pas à en rajouter dans les idiosyncrasies crapoteuses de ses personnages, à rebrousser les poils de ses pinceaux pour mieux fignoler leurs portraits. Il s’octroie le rôle de Beefteena, la fille aînée, quadragénaire obèse se comportant comme une môme de six ans, et accoutrée à l’avenant. Son joujou favori est un cadavre d’écureuil qu’elle traîne partout derrière elle sur une planche à roulettes, et l’un de ses plus grands plaisirs, partagé par toute la famille, est de se trémousser sur les accords sirupeux du générique de Little Lulu, cartoon gentillet des années 40. Quand on la contrarie, Beefteena pousse des grognements de goret, découvre ses dents déchaussées, et vibre de fureur sous sa robe en mousseline. Les fantasticophiles distingueront peut-être en elle une parenté physique et dingologique avec la Fanny du American Gothic de John HOUGH (1987) ; Alan ROWE KELLY reconnaît volontiers avoir été marqué par ce petit classique du fantastique des eighties, et par le mémorable personnage de fillette prolongée incarné par Janet WRIGHT. Notons que pour emplir les éléphantesques tenues de son héroïne, le comédien-cinéaste n’hésita pas à prendre une vingtaine de kilos, dont il eut, de son propre aveu, quelque peine à se débarrasser par la suite.


Beefteena (Alan ROWE KELLY)

Beefteena et sa soeur Sno Cakes
(Alan ROWE KELLY et Susan ADRIENSEN)

A l’exception d’une longue scène de repas directement reprise à Massacre à la tronçonneuse, les références cinéphiliques émaillant The Blood Shed restent plutôt discrètes, et sont suffisamment bien intégrées à l’intrigue pour ne pas nuire à son homogénéité. Citons le bric-à-brac macabre formant la décoration de la maison des Billion (Massacre à la tronçonneuse encore), les guirlandes lumineuses et multicolores tendues dans toutes les pièces (Massacre à la tronconneuse 2, cette fois, dont The Blood Shed est beaucoup plus proche que de l’original, par son outrance, sa tonalité résolument parodique, et certains aspects Camp), les flamants roses en plastique plantés devant la maison (Pink Flamingos de John Waters, 1972), les victimes encagées (Midnight de John RUSSO, 1982).


Photo de tournage (de gauche à doite : A.R. KELLY, Terry WEST, Kane MANERA, Joshua NELSON, Susan ADRIENSEN, et Zoe DAELMAN CHLANDA, de dos)

Les autres membres de la famille sont Sno Cakes (Susan ADRIENSEN), la fille cadette, écervelée en mal d’orthophoniste, à peine moins régressive que sa sœur mais encore plus perverse ; Hubcap (Mike LANE), un demeuré complet, sorte de Droopy psychopathe qui ne sort de son aboulie que pour trucider ses semblables, et Butternut (Joshua NELSON), l’élément le plus ingérable de la famille, collectionneur de viscères en bocaux. Tout aussi cintré que sa progéniture, Papa Elvis (Terry WEST) n’hésite pas à jouer de la carabine pour se faire obéir, ni à estourbir les récalcitrants à coup d’os de bœuf.
L’essentiel du casting de I’ll Bury you Tomorrow est de nouveau mis à contribution dans The Blood Shed. Jerry MURDOCK, qui tenait les rôles du shérif et de son frère névropathe dans le film précédent, retrouve ici un emploi de flic, cette fois complètement ringard, qui finira victime d’une double émasculation – à la tenaille puis au couteau électrique (!) –, après avoir épousé Beefteena lors d’une cérémonie improvisée par la famille. Zoe DAELMAN CHLANDA et Katherine O’SULLIVAN apparaissent dans l’une des séquences les plus savoureusement iconoclastes du film : elles sont respectivement la directrice et la secrétaire d’une agence de casting organisant un concours de top models auquel Beefteena prétend participer. La séance de photographie qui s’ensuit parodie rageusement le glamour faisandé et les rêves de gloire des apprenties mannequins : Beefteena multiplie les poses ridicules et les mines engageantes devant l’objectif, jusqu’à ce que l’hilarité du photographe et de la directrice la fasse s’aviser qu’elle est la dindonne d’une méchante farce. On comprend ce que la scène recèle de vécu si l’on songe qu’Alan ROWE KELLY, en plus de cinéaste, est aussi maquilleur pour des magazines de mode réputés comme « Vogue » et « Bazaar », et pour diverses chaînes de télévision. De même son incarnation de Beefteena, dont la laideur n’a d’égale que la vulgarité, témoigne-t-elle d’un joli sens de l’autodérision de la part de cet « homme fatale » (pour reprendre le titre qui lui fut attribué par le site internet Door Q), dont la féminité, le glamour et la sophistication sont l’image de marque à la ville.


Beefteena, top model (Alan ROWE KELLY)...
... et ses pygmalions (Kane MANERA, Zoe DAELMAN CHLANDA)

Si les Billion, malgré les atrocités auxquelles ils se livrent, ne sont jamais antipathiques, c’est que leur cruauté et leur anticonformisme sont ceux de l’enfance, comme le souligne la scène d’ouverture du film, où un petit garçon écrase une grenouille sous une pierre avant de se chamailler avec Beefteena, à qui il dérobe son précieux cadavre d’écureuil. Le gamin sera déchiré en deux par Hubcap et Butternut, inconscients de leur force et ne cherchant qu’à le malmener pour le punir d’avoir chagriné leur sœur. Leurs crimes contre les adultes sont beaucoup plus concertés, mais n’en restent pas moins vécus comme des jeux, dont la violence est une forme de riposte à l’intrusion de leur territoire (les voisins venus de « la grande ville », le journaliste enquêtant sur les disparitions) ou à l’imposition d’une grotesque discipline (le shérif petzouille jouant à l’inspecteur Harry).
Et s’il fallait douter que le cœur du cinéaste penche pour ses monstres, la fin de The Blood Shed nous en donne confirmation : tous les membres de la famille se tirent vivants de leurs aventures – ils n’ont d’ailleurs été mis en difficulté à aucun moment ! –, et le film s’achève sur le meurtre d’une victime fugitive.
Une « happy end » selon Alan ROWE KELLY, pour une bande d’une immoralité joyeuse et revigorante.


Katherine O'SULLIVAN met les bouts