mercredi 17 décembre 2008

LA PAIX DU CHRIST

Sans doute estimerez-vous qu'il est un peu tôt pour vous souhaiter un Joyeux Noël.
C'est que votre BB doit s'absenter pour une quinzaine de jours, et qu'elle n'aura pas accès à son ordinateur durant sa villégiature. Aussi anticipe-t-elle, étant intimement convaincue que mieux vaut tôt que jamais.
Merry Christmas à tous ! Soyez heureux, ripaillez à foison, christallisez vos rêves, et mettez plein de petits jésus dans l'étable !



L'approche du Nouvel An sonnant le glas des anciennes bonnes résolutions (mais permettant d'en formuler de fraîches), je me suis décidée à plancher, dès janvier, sur un nouveau livre dont la rédaction risque de bouffer la majeure partie de mon temps.
En conséquence, il me sera difficile d'accoucher, à l'avenir, d'articles analytico-pédéantesques aussi élaborés que ceux que j'ai mis en ligne jusqu'à présent. Selon l'humeur et l'énergie du moment, je m'efforcerai d'en griffonner un tous les (deux ?) mois, histoire de ne pas enterrer ce blog si peu de temps après sa création.
J'en vois déjà qui pâlissent...
"Comment ? Attendre deux (trois ?) mois, avant de savourer la prose de BBJane ?... Autant résilier mon abonnement à l'internet !..."
Rassurez-vous !... Pour ne pas plomber votre année 2009, et vous éviter d'attendre trois (quatre ?) mois avant de jouir de ma plume, j'ai conçu à votre intention un autre blog, qui sera essentiellement composé de COURTS posts parfaitement débiles et superfétatoires -- et, en cela, dans la droite ligne de ce qui se blogue généralement sur la toile...
Du reste (et suite à une étude comparée du nombre de commentaires que vous avez eu la gentillesse de me laisser jusqu'à présent), j'ai constaté que vous étiez friands de posts COURTS et anodins... Voilà qui me dédouane fort opportunément, et m'autorise à lever le pied sans trop percevoir le dégonflement de la cheville...
Je vous fixe donc rendez-vous ici-même le 1er janvier 2009 -- d'une part pour vous souhaiter une bonne année, d'autre part pour vous filer le lien permettant d'accéder à mon nouveau blog.



En attendant, j'ai sélectionné pour vous trois petites vidéos Noëliennes, pleines de bonnes vibrations queers et fantastiques. (Vous connaissez mon aversion pour les écrans VouZentube ; aussi : cliquez sur l'image !)

La première :
Un matin de Noël absolutely Divine (extrait de Female trouble - 1973 - John WATERS)


Cliquez !

La deuxième :
La pire histoire de Noël jamais contée (extrait de Gremlins - 1984 - Joe DANTE)


Cliquez !

La troisième :
Un extrait de mon film de Noël favori (A Christmas story - 1984 - Bob CLARK), qui apprendra aux plus pervers d'entre vous comment immobiliser un petit garçon en évitant les morsures...


Cliquez !

Sur cette plaisanterie fort douteuse, je le reconnais, je vous souhaite à toutes et tous :
A Very Gay XXXmas !!!


jeudi 11 décembre 2008

L'AUTRE E(S)T MOI ?

Une question éminemment queer, fantastiquement posée par la Fugitive sur son blog.





Vous, je ne sais pas... mais moi, ça me cause...


dimanche 7 décembre 2008

R.I.P.

Un vilain hasard a voulu que je place la reproduction d'une couverture de Famous Monsters of Filmland en tête de mon précédent post, mis en ligne le 5 décembre.
La veille mourait Forrest J. ACKERMAN, créateur du célèbre magazine, à l'âge de 92 ans.
J'apprends la nouvelle ce matin sur l'excellent blog de Steve RING, auquel j'emprunte la photo qui suit.



Je sais que cette disparition touchera tout spécialement certains lecteurs de Fears for queers, qui ont eu la chance de connaître personnellement cet ardent défenseur du cinéma que nous aimons.
Ce week-end, il pleut sur l'Ackermanoir.
Goodbye Forry.


vendredi 5 décembre 2008

MADHOUSE (1974)

Ce post est amicalement dédié à Yrreiht ZETLUB, qui sait pourquoi.


Les films consacrés au monde du spectacle et à ses coulisses ont toujours eu la faveur du public gay. Les thèmes qu'ils développent, les figures qu'ils animent, les conflits qu'ils exposent, semblent exercer une attraction spontanée
sur la sensibilité homosexuelle, et participer de sa culture. Le ressort dominant de leurs intrigues est généralement l'opposition entre le prestige et l'éclat de la représentation, et la banalité et les meurtrissures d'un réel qu'elle s'efforce d'occulter. Le dilemme de l'être et du paraître est au coeur de ces oeuvres, comme au coeur de la sensibilté gay (n'est-il pas le premier auquel est confronté tout homosexuel ? "Je ne suis pas, au fond de moi, la femme ou l'homme que la société croit -- et souhaite que je sois.")
Dans ces films, la dichotomie s'exprime par une exacerbation des caractéristiques propres aux conditions antagonistes : celle de la Star, et celle de la personne privée -- l'être au quotidien. La Star est flamboyante, adulée, excessive dans chacun de ses agissements ; la personne privée est angoissée, instable, blessée, malheureuse en amour, peu sûre de ses amitiés. Et si la Star voit sa popularité décliner -- c'est presque toujours le cas dans ce type de films --, elle transportera dans la sphère privée la part de "sublime" devenue sans effet sur son public, et vivra sa misère, morale ou pécuniaire, avec autant de baroquisme et d'outrance qu'elle vécut sa gloire.
Ces données exercent une fascination profonde sur la communauté gay, en ceci qu'elles offrent toute latitude de s'exprimer à une démesure typiquement "camp", et fournissent un modèle comportemental qui sera largement repris, caricaturé, restructuré de manière inflationniste par les travestis et les drag-queens.
Les trois films les plus appréciés dans ce domaine restent Eve (All about Eve de Joseph L. MANKIEWICZ - 1950) (pour le monde du théâtre), Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard de Billy WILDER - 1950) (pour le monde du cinéma), et Une Etoile est née (A Star is born de George CUKOR - 1954) (pour l'univers de Broadway).
Dans le genre "fantastique", rares sont les oeuvres ayant abordé le sujet. La plus connue d'entre elles est sans doute La Cible (Targets de Peter BOGDANOVICH - 1968), qui confronte Boris KARLOFF, star de l'épouvante fatiguée (mais non déchue) aux violences trop réelles du monde moderne. Il faudrait également citer un titre négligé des fantasticophiles : The Horror Star (1982 - Norman Thaddeus VANE), où un "roi de l'horreur" revient d'entre les morts pour châtier les jeunes fans ayant profané sa tombe et dérobé son cadavre.
Le seul film fantastique rejoignant étroitement les préoccupations des trois premiers classiques que j'ai cité, est le Madhouse de Jim CLARK -- oeuvre, là encore, peu connue, froidement accueillie par la critique lors de sa sortie, et inédite en France (excepté sur les chaînes satellites où elle est parfois programmée.)
Film d'épouvante, film de spectacle, Madhouse est aussi un grand film queer, l'un des plus signifiants du cinéma fantastique des seventies.
Prêts pour une visite guidée ?... Alors, silence ! On tourne !...



FICHE TECHNIQUE :

Réal : Jim CLARK - Scén : Greg MORRISON, Ken LEVISON, d'après le roman "Devilday" de Angus HALL - Photo : Ray PARSLOW - Mus : Douglas GAMLEY.
Avec : Vincent PRICE, Peter CUSHING, Robert QUARRY, Adrienne CORRY, Michael PARKINSON, Linda HAYDEN.

RESUME :

La carrière de Paul Toombes (Vincent PRICE), star de l'épouvante, fut brisée après le meurtre brutal et jamais élucidé de sa fiancée, qui le plongea dans une sévère dépression nerveuse. Des années plus tard, le comédien est appelé en Angleterre pour reprendre son rôle fétiche (le monstrueux Docteur Death) dans une série télévisée. Il retrouve son ami Herbert Flay (Peter CUSHING), ancien acteur devenu scénariste, et créateur du Dr. Death. Dès le début du tournage, une nouvelle série de meurtres, portant la marque du personnage qu'il incarne, sont perpétrés dans l'entourage de Toombes. Aussitôt suspecté, il en vient à douter de sa santé mentale...

L'AVIS DE BBJANE :
Lors d'une interview télévisée, le comédien Paul Toombes déclare au sujet des films dans lesquels il a coutume d'apparaître, qu'ils "ne traitent pas du monde ordinaire qui nous entoure au quotidien. Ils parlent d'un monde profondément enfoui à l'intérieur de chacun de nous -- un monde de pulsions et d'instincts que l'on nous appris à supprimer. Des pulsions que nous n'osons pas reconnaître, dont nous ne sommes parfois même pas conscients. On les apprivoise et on les met en cage (...) Puis, un jour, entre le sommeil et l'éveil, elles nous murmurent qu'elles veulent sortir. Mais on ne les libère pas. Mes films ont du succès parce qu'ils les libèrent". Ces propos ne diffèrent guère de ceux que Vincent PRICE tint lui-même fréquemment aux journalistes qui l'interrogeaient sur sa carrière.
Si l'on considère la tonalité queer du film et la personnalité de son interprète principal, il est difficile de ne pas discerner dans ces "pulsions que l'on nous a appris à supprimer" une allusion au désir homosexuel, qui, dans le genre qui nous occupe et durant des décennies, fit l'objet d'un "déplacement" (au sens psychanalytique du terme : remplacement d'un objet tabou par un autre objet jugé plus acceptable), aboutissant à sa conversion en actes de violence et de meurtre.
En replaçant Madhouse dans la chronologie du genre, on constate qu'il occupe une position charnière, en ce sens qu'il clôt l'époque gothique dans le respect de son esthétique (vieille demeure obscure, paysages envahis de brouillard, costume du meurtrier évoquant aussi bien la silhouette de "l'homme au masque de cire" que celle des assassins du giallo), et annonce conjointement l'horreur viscérale des années à venir (la vague des psycho-killers et des slashers). Le Dr Death, que le comédien Paul Toombes doit reprendre à l'écran, est un peu le grand-père de Jason et de Michael Myers. Par une savoureuse ironie, son interprète est joué par l'un des plus éminents représentants du classicisme gothique : Vincent PRICE, qui n'a jamais cessé de s'élever contre les excès gores du nouveau cinéma fantastique.


Le classicisme gothique revisité par le giallo
La personnalité même de PRICE constitue un enjeu déterminant du caractère queer du film. Ses incarnations d'esthètes hypersensibles et raffinés dans les adaptations d'Edgar POE, le baroquisme camp de son jeu d'acteur, ses performances cultes dans trois des films fantastiques les plus queers jamais tournés (les deux Dr Phibes et Theâtre de sang), sa longue personnification d'Oscar WILDE dans la pièce de théâtre Diversions and delights, justifieraient déjà son statut d'icône gay -- sur lequel il ne s'est jamais prononcé, et qui, du reste, ne prit toutes ses proportions qu'après son décès.
Encore faut-il y ajouter nombre d'éléments de sa vie privée, laissant à penser qu'il fut, à tout le moins, bisexuel : ses nombreuses et fidèles amitiés dans le milieu gay hollywoodien ; son dernier mariage avec la comédienne Coral BROWNE, qui ne fit jamais mystère de sa bisexualité ; les liaisons masculines qui lui furent prêtées jusqu'à la fin de sa carrière -- la dernière, sur le tournage de From a whisper to a scream de Jeff BURR, faillit lui coûter son mariage. (Sur l'homosexualité supposée de PRICE, on lira la biographie que lui a consacrée sa fille Virginia, elle-même lesbienne déclarée, et la monographie Vincent Price, the Art of fear de Denis MEIKLE).
Il est difficile d'ignorer que les auteurs de Madhouse se réfèrent clairement à la mythologie cinématographique du comédien, et à sa personnalité gay-friendly.
Paul Toombes nous est implicitement présenté comme un homosexuel "placardisé", craignant de s'aliéner son public en assumant sa véritable nature. Longtemps célibataire, il se décide sur le tard à épouser une jeune starlette, qu'il répudie lorsqu'il apprend sa participation à des films pornographiques. Quelques heures après leur dispute, il découvrira le cadavre de la jeune fille, décapitée. Il sera suspecté de meurtre et verra sa carrière interrompue autant par ce scandale que par la dépression nerveuse qui en découlera. Il sombrera dans la schizophrénie et sera interné. Qu'il en soit l'auteur ou non, ce crime l'a brutalement confronté à sa dualité, et à son incapacité à vivre une relation hétérosexuelle.

Le Docteur Death (Vincent PRICE), monstre queer et pourfendeur de dames
Sorti de l'asile, Toombes se voit offrir l'opportunité de reprendre son rôle fétiche du Dr. Death dans une série télévisée britannique. C'est ici que le scénario adopte résolument son orientation queer, et que s'accumulent signes et notations marquant la volonté des auteurs d'accuser le caractère gay de leur mélodrame horrifique.
Lors du voyage en bateau de Toombes vers l'Angleterre, une jeune femme s'introduit dans sa cabine et s'offre à lui, ce qui suscite sa réaction indignée (notons qu'il porte pour l'occasion un superbe pyjama rose, auquel feront écho d'autres détails vestimentaires quelque peu "connotés", tels que la robe de chambre aux dessins précieux qu'il arborera dans la demeure de son ami Herbert Fay, et les foulards de soie négligemment noués dans le style "apache" qu'affectionne ce dernier.) Bien entendu, la demoiselle sera rapidement trucidée -- ce qui semble être le lot de toute femme formulant de trop claires avances au comédien.


Comment répondre aux propositions féminines importunes

Autres indices donnant au film sa coloration gay : le nom des studios où sont tournées les aventures du Dr. Death (Rainbow Television), et le gros plan d'un livre posé sur la table de chevet de Toombes : "Mon Complexe d'Oedipe" !... De même, impossible de ne pas noter l'insistance des auteurs de Madhouse à mettre Paul Toombes dans des situations généralement dévolues aux héroïnes en péril. Une longue scène de déambulation nocturne de PRICE, en robe de chambre et candélabre au poing, dans le cottage de son ami Herbert, évoque les interminables errances des jeunes premières dans une multitude de films antérieurs. Dans le même ordre d'idée, l'arrivée de la star sur le sol britannique, où elle est assaillie par les journalistes, rappelle les manifestations publiques de divas capricieuses, rabrouant avec irritation les fans et les reporters trop pressants -- le genre de scènes typiquement iconiques pour le public gay.


Mes chéris, j'ai dit : pas de photos !
PRICE ne pouvait ignorer ce qu'impliquaient de telles séquences, et à quel aventureux décryptage de son image l'entraînaient scénaristes et réalisateur. La petite histoire nous enseigne qu'il y réagit avec mauvaise grâce. Connu pour être un homme affable, généreux et plein d'humour, il laissa une impression nettement plus mitigée sur le plateau de Madhouse. Le tournage fut émaillé de dissensions entre la vedette, ses producteurs, et l'un de ses partenaires, Robert QUARRY (les deux hommes se détestaient depuis leur première association dans Le Retour de l'abominable Docteur Phibes de Robert FUEST - 1972)
Si l'entente fut bonne avec le metteur en scène Jim CLARK (on connaît une lettre de ce dernier, expédiée à sa vedette après le tournage, dans laquelle il lui envoie "tout son amour" et lui exprime combien il lui manque), le jeu de PRICE traduit néanmoins son inconfort. Sa prestation dans Madhouse est l'une des plus déconcertantes de sa carrière, oscillant entre une retenue inaccoutumée chez lui (et ressemblant fort à de la gêne), et des flambées de cabotinage mal assumé, qui tombent totalement à plat.
Si le film est aussi fascinant, c'est en grande partie pour sa valeur métonymique : les déboires de Paul Toombes, star prisonnière de son statut, homosexuel refoulé dont la nature menace de ressurgir suite à des événements échappant à son emprise, réfléchissent le malaise de Vincent PRICE, sa propre difficulté à assumer une image queer qui lui colle de plus en plus à la peau, et qui constitue son lien le plus tangible (hélas, selon lui) à une modernité qu'il refuse.


L'angoisse de la dualité
Encore plus révélatrices des options queers des auteurs : les relations entretenues par Toombes avec son ami, le scénariste Herbert Flay, et avec leur création commune : le Dr. Death.
Comme le remarque Harry M. BENSHOFF dans son ouvrage Monster in the closet, Homosexuality and the horror film, le Dr. Death est le fruit de la liaison amicalo-amoureuse de Flay et de Toombes -- leur enfant. "Herbert et moi l'avons conçu ensemble, déclare ce dernier. Non, nous ne l'avons pas créé -- il était là -- nous l'avons trouvé en nous. Nous avons sondé les profondeurs de nos âmes et il était là -- il était déjà là, et il le sera toujours."
C'est bel et bien un couple queer que forment Paul et Herbert, et ce n'est pas le fait que Flay soit marié qui contredit cette assertion. Il est en effet signalé que ce dernier s'avéra incapable de satisfaire sa femme sexuellement. C'est d'ailleurs cette négligence qui conduisit l'épouse à multiplier les aventures hasardeuses, lesquelles aboutirent à un viol qui la laissa folle. Elle erre depuis dans le sous-sol de leur cottage, coiffée d'une perruque rousse, entourée de ses seules amies -- une ribambelle d'araignées --, et écoutant à longueur de journée de vieux disques sur son phonographe (image parfaitement queer de la déchéance féminine).


Fascination de la déchéance (Adrienne CORRI)
(ATTENTION !!! GROS SPOILERS DE LA MORT DANS LES LIGNES QUI SUIVENT !!!)

La révélation finale que le véritable auteur des meurtres n'est autre qu'Herbert Flay -- jaloux d'être resté dans l'ombre de son ami, et espérant le rendre fou pour lui succéder à l'écran dans le rôle de leur "enfant" -- fait verser ce faux film fantastique dans le mélodrame d'amour gay.
Le Dr. Death constitue clairement, pour ses géniteurs, une expression sublimée de leurs pulsions homophiles ; il est l'incarnation suprême du monstre queer, déplaçant ses désirs dans la violence et dans le meurtre (de femmes, prioritairement). Toombes en est vaguement conscient, d'où son appréhension à rependre le rôle au début du film : "Je suis terrifié par ce qu'il a fait, et par ce qu'il risque de faire", confie-t-il à Flay. Mais ce dernier insiste pour que son ami ressuscite leur progéniture à l'écran -- et, par là même, ranime le feu de leur ancien amour. Contre la volonté de Toombes, il leur projette les vieux films du Dr. Death, et lorsque tous deux fixent leurs regards attendris sur l'écran, ils offrent bel et bien l'image de deux parents observant leur fils dans quelque film-souvenir, témoin des jours heureux.
Toombes ne tarde pas à recouvrer son arrogance lorsqu'il endosse le costume de Death -- seule expression de son homosexualité qu'il puisse afficher sans trop de risques --, et défend alors ardemment son personnage. Quand le producteur lui impose une starlette pour jouer sa comparse, il se récrie : "Le Docteur Death n'a jamais eu d'assistante !", et traite la comédienne avec la morgue vacharde d'une diva courroucée, lui lançant des répliques assassines -- et un cure-dents dans le décolleté. Il adopte le comportement d'une "grande dame" ayant ses humeurs -- et d'une folle offensée.


Paul Toombes et les femmes

Mais ce retour du naturel ne tarde pas à l'épouvanter. Il ne lui reste alors qu'une seule solution pour faire taire ses pulsions : tuer le Dr. Death.
Après avoir découvert le cadavre de son attachée de presse, qu'il croit avoir tuée dans un accès de schizophrénie, il met le feu au studio, détruisant ainsi l'univers de ce double trop révélateur.
Censé avoir péri dans les flammes, il ressurgit dans la demeure de Flay au moment où ce dernier, portant le costume de Death, regarde le film de l'incendie. La silhouette de Toombes, en chair et en os, se superpose à l'image projetée sur l'écran, dans un classique effet de surimpression visant à suggérer qu'il s'extraie de la toile. Les deux hommes engagent un combat à l'issue duquel Flay tombe dans le réservoir à araignées de son épouse, et est dévoré jusqu'à l'os par les charmantes bestioles.
L'ultime séquence du film consacre néanmoins l'union des deux amis par-delà la mort. C'est même d'une véritable osmose dont il faut parler, qui voit le couple queer et leur rejeton se fondre en une seule incarnation, en une fascinante et troublante symbiose trinitaire : afin de pouvoir continuer à jouer le rôle de Death, Toombes adopte l'apparence de Flay par le biais du maquillage. Il devient littéralement Flay, et porte un toast avec l'épouse de ce dernier en l'honneur de leur harmonie retrouvée.
Ce finale audacieux et inattendu devient encore plus troublant si l'on considère que, pour les dernières images du film, c'est Peter CUSHING, subtilement grimé, qui incarne PRICE censé incarner CUSHING ! Ainsi ces deux monstres sacrés confondent-ils leurs traits et leurs mythologies respectives, pour mieux pérenniser l'image fantasmatique la plus apte à combler leurs admirateurs : celle du Dr. Death.


Peter Vincent
(ou quand Peter CUSHING s'essaie au haussement de sourcil pricéen)

Faut-il s'étonner que Madhouse ait été mal accueilli par les cinéphiles ?
Annoncé comme le premier film réunissant réellement les deux plus grandes stars de l'horreur (dans le précédent, Lâchez les monstres !, PRICE et CUSHING n'avaient aucune scène commune), il tient un peu trop intelligemment sa promesse pour emporter l'adhésion d'un public assez peu enclin à s'interroger sur les fondements de sa dévotion au genre -- surtout lorsque ceux-ci remettent en cause la distinction d'autres genres, sexuels cette fois.
L'homophilie latente comme moteur de la fantasticophilie ? Voilà ce que beaucoup d'adeptes du cinéma d'épouvante répugnent à entendre. Tout comme ils goûtent assez peu que la rencontre de deux de leurs idoles aboutisse à la formation d'un couple gay.
Décidément, Madhouse est bien trop pertinent pour plaire...

LIEN :

La bande annonce du film, sur YouTube.