FICHE TECHNIQUE :
Réal : Thomas CASEY - Scén : Thomas CASEY - Photo : Edmund GIBSON - Mont : Jerry SIEGEL.
Avec : Abe ZWICK, Scott LAWRENCE (a.k.a. Wayne CRAWFORD), Don CRAIG, Robin HUGHES, Yanka MANN...
L'HISTOIRE :
Deux minables voleurs de bijoux se réfugient à Miami après leur dernier braquage. Paul (Abe ZWICK), le plus âgé, enfile perruque, robes imprimées et bas de contention pour devenir Tante Martha, tandis que son ami Stanley (Wayne CRAWFORD, sous le pseudonyme de Scott LAWRENCE) se fait passer pour son neveu. Irascible et jaloux, Paul/Martha tolère difficilement les frasques de Stanley, qui passe l'essentiel de son temps à se droguer et à courir les filles – bien qu'il soit incapable de les honorer. Toute avance sexuelle féminine le plonge dans l'hystérie, et oblige Tante Martha à intervenir, couteau en main. Le père d'une de leurs victimes parvient à s'immiscer dans le couple, en prétendant être un truand traqué par la police. La situation s'envenimera rapidement, et débouchera sur une conclusion pathétique et sanglante.
L'AVIS DE BBJANE :
Sometimes Aunt Martha Does Dreadful Things – qui rassemble à son générique plusieurs familiers du cinéma d'horreur floridien, comme Brad F. GRINTER, réalisateur des mythiques Flesh Feast (1970) et Blood Freak (1972), ou William KERWIN, l'un des acteurs fétiches de H.G. LEWIS – fut inexplicablement la seule réalisation de Thomas CASEY, de qui l'on ne sait rien.
"Inexplicablement", car ce coup d'essai est une réussite digne des meilleurs auteurs trash et Camp, et justifiait amplement une carrière plus nourrie. Il est clair que les ambitions de CASEY n'étaient pas uniquement mercantiles, contrairement à nombre de ses confrères. Plus qu'un film d'exploitation, Aunt Martha est une appropriation Camp de l'univers et des codes du polar urbain des seventies.
Paul et Stanley sont deux truands ringards organisant des « coups » modestes, comme il en pullulait dans les séries télévisées de l'époque (Les Rues de San Francisco, Mannix, etc...) La différence est qu'ils sont gays, une donnée que CASEY ne juge pas nécessaire de mettre en exergue, mais qu'il présente le plus naturellement du monde ; le comportement quotidien des deux hommes, leurs échanges et leurs prises de becs sont typiques d'un vieux couple – en crise et plutôt mal assorti, certes, mais tout ce qu'il y a de plus banal.
La violence de Paul/Martha est l'exutoire de sa souffrance et de sa frustration face au délabrement de leur relation. S'il assassine les jeunes filles que Stanley ramène à la maison, c'est moins par crainte de l'infidélité de ce dernier (il le sait incapable de leur faire l'amour), que parce qu'elles sont le vecteur du comportement pathologique de son ami, mélange d'attirance compulsive et de rejet phobique des femmes, source de leurs ennuis et cause du déclin de leur couple.
Parallèlement à ces actes criminels (qui ne versent jamais dans le gore), le cinéaste se plaît à multiplier les notations réalistes, et ménage des plages d'intimisme inattendues dans le contexte, comme lorsque Paul confie ses peines de cœur à l'homme qu'il héberge, en éclusant force canettes de bière. Le fait qu'il soit grimé en Martha et parle librement de sentiments homosexuels à un auditeur hétéro (qui ne s'en offusque aucunement), ne suscite aucun effet distanciateur ou humoristique ; au contraire, la scène est traitée avec une ingénuité et un naturel surprenants. Le Camp est réservé aux moments de crise, lorsque les incartades de Stanley font perdre pied à Paul, et le déconnectent de la réalité.
C'est alors que le film se rattache au mélo gériatrique « à la Baby Jane », à cette différence près que la mégère homicide est ici un drag. Il faut d'ailleurs noter que le spectateur en est immédiatement informé, contrairement à de nombreux films où l'on s'applique à nous faire croire que l'assassin est une femme, jusqu'à la révélation finale de son identité masculine (Psychose d'Alfred HITCHCOCK, 1960, ou Pulsions de Brian De PALMA, 1981). Cette approche frontale et non manipulatrice du sujet n'est pas la moindre des originalités de Aunt Martha, et renforce ses implications queer.
Lors du dernier quart d'heure, le rythme s'accélère et la spirale de la violence se resserre inéluctablement, poussant Paul dans l'ultime retranchement de la folie. Contraint d'admettre l'incurabilité des névroses de Stanley (désemparé devant une femme sur le point d'accoucher, celui-ci pratique sur elle une césarienne sauvage), il décide d'immoler leur couple lors d'un finale assez poignant et teinté de sadomasochisme. Pour ce faire, il abandonne l'accoutrement de Tante Martha, et tue Stanley dans un élan de rage désespérée, en déployant une agressivité toute masculine, avant de se supprimer. A l'heure cruciale où l'amour ne peut se perpétuer que dans la mort, le Camp n'a plus droit de cité.
VIDEOS :
Réal : Thomas CASEY - Scén : Thomas CASEY - Photo : Edmund GIBSON - Mont : Jerry SIEGEL.
Avec : Abe ZWICK, Scott LAWRENCE (a.k.a. Wayne CRAWFORD), Don CRAIG, Robin HUGHES, Yanka MANN...
L'HISTOIRE :
Deux minables voleurs de bijoux se réfugient à Miami après leur dernier braquage. Paul (Abe ZWICK), le plus âgé, enfile perruque, robes imprimées et bas de contention pour devenir Tante Martha, tandis que son ami Stanley (Wayne CRAWFORD, sous le pseudonyme de Scott LAWRENCE) se fait passer pour son neveu. Irascible et jaloux, Paul/Martha tolère difficilement les frasques de Stanley, qui passe l'essentiel de son temps à se droguer et à courir les filles – bien qu'il soit incapable de les honorer. Toute avance sexuelle féminine le plonge dans l'hystérie, et oblige Tante Martha à intervenir, couteau en main. Le père d'une de leurs victimes parvient à s'immiscer dans le couple, en prétendant être un truand traqué par la police. La situation s'envenimera rapidement, et débouchera sur une conclusion pathétique et sanglante.
L'AVIS DE BBJANE :
Sometimes Aunt Martha Does Dreadful Things – qui rassemble à son générique plusieurs familiers du cinéma d'horreur floridien, comme Brad F. GRINTER, réalisateur des mythiques Flesh Feast (1970) et Blood Freak (1972), ou William KERWIN, l'un des acteurs fétiches de H.G. LEWIS – fut inexplicablement la seule réalisation de Thomas CASEY, de qui l'on ne sait rien.
"Inexplicablement", car ce coup d'essai est une réussite digne des meilleurs auteurs trash et Camp, et justifiait amplement une carrière plus nourrie. Il est clair que les ambitions de CASEY n'étaient pas uniquement mercantiles, contrairement à nombre de ses confrères. Plus qu'un film d'exploitation, Aunt Martha est une appropriation Camp de l'univers et des codes du polar urbain des seventies.
Paul et Stanley sont deux truands ringards organisant des « coups » modestes, comme il en pullulait dans les séries télévisées de l'époque (Les Rues de San Francisco, Mannix, etc...) La différence est qu'ils sont gays, une donnée que CASEY ne juge pas nécessaire de mettre en exergue, mais qu'il présente le plus naturellement du monde ; le comportement quotidien des deux hommes, leurs échanges et leurs prises de becs sont typiques d'un vieux couple – en crise et plutôt mal assorti, certes, mais tout ce qu'il y a de plus banal.
La violence de Paul/Martha est l'exutoire de sa souffrance et de sa frustration face au délabrement de leur relation. S'il assassine les jeunes filles que Stanley ramène à la maison, c'est moins par crainte de l'infidélité de ce dernier (il le sait incapable de leur faire l'amour), que parce qu'elles sont le vecteur du comportement pathologique de son ami, mélange d'attirance compulsive et de rejet phobique des femmes, source de leurs ennuis et cause du déclin de leur couple.
Parallèlement à ces actes criminels (qui ne versent jamais dans le gore), le cinéaste se plaît à multiplier les notations réalistes, et ménage des plages d'intimisme inattendues dans le contexte, comme lorsque Paul confie ses peines de cœur à l'homme qu'il héberge, en éclusant force canettes de bière. Le fait qu'il soit grimé en Martha et parle librement de sentiments homosexuels à un auditeur hétéro (qui ne s'en offusque aucunement), ne suscite aucun effet distanciateur ou humoristique ; au contraire, la scène est traitée avec une ingénuité et un naturel surprenants. Le Camp est réservé aux moments de crise, lorsque les incartades de Stanley font perdre pied à Paul, et le déconnectent de la réalité.
Conversation entre hommes
C'est alors que le film se rattache au mélo gériatrique « à la Baby Jane », à cette différence près que la mégère homicide est ici un drag. Il faut d'ailleurs noter que le spectateur en est immédiatement informé, contrairement à de nombreux films où l'on s'applique à nous faire croire que l'assassin est une femme, jusqu'à la révélation finale de son identité masculine (Psychose d'Alfred HITCHCOCK, 1960, ou Pulsions de Brian De PALMA, 1981). Cette approche frontale et non manipulatrice du sujet n'est pas la moindre des originalités de Aunt Martha, et renforce ses implications queer.
Tante Martha (Abe ZWICK)
Lors du dernier quart d'heure, le rythme s'accélère et la spirale de la violence se resserre inéluctablement, poussant Paul dans l'ultime retranchement de la folie. Contraint d'admettre l'incurabilité des névroses de Stanley (désemparé devant une femme sur le point d'accoucher, celui-ci pratique sur elle une césarienne sauvage), il décide d'immoler leur couple lors d'un finale assez poignant et teinté de sadomasochisme. Pour ce faire, il abandonne l'accoutrement de Tante Martha, et tue Stanley dans un élan de rage désespérée, en déployant une agressivité toute masculine, avant de se supprimer. A l'heure cruciale où l'amour ne peut se perpétuer que dans la mort, le Camp n'a plus droit de cité.
VIDEOS :
Le générique :
Petite scène de ménage entre amis :
Petite scène de ménage entre amis :
3 commentaires:
Crois-tu que les américains soient encore capables de produire des films de cet ordre (le seul que j'ai vu et apprécié ces dernières années, un peu dans la même veine underground même s'il n'est ni d'épouvante, ni queer, est "Little miss sunshine", mais bon je ne suis pas hyper au courant de tout ce qui se fait là-bas...) ?
@ Deef : Il faut un peu creuser, mais il y a encore plein de pépites de ce genre qui sont réalisées en Amérique. "Little Miss Sunshine", que j'aime beaucoup également, est typique du cinéma indépendant tel qu'il parade au Festival de Sundance -- un festival qui, à vrai dire, est de plus en plus garrotté par l'establishment et la loi du commerce. Ce n'est plus là qu'il faut chercher des cinéastes vraiment originaux et/ou déviants. Mais il y en a plein, je m'en aperçois quasiment chaque jour, dont les films sortent directement en DVD, avec un vrai soutien sur le net, qui prend le relais des fanzines de jadis, ou des revues trop "institutionnelles".
Ce sont ces cinéastes que j'essaie de défendre ici, dans le domaine du queer ; des gens comme Alan Rowe Kelly ou, plus classiquement, Jeff Burr, qui a un mal de chien à trouver financement et distributeur, après avoir réalisé des œuvres vraiment fortes.
HELLO chère BB,
Le duo de ce bijou de film me fait penser, dans un autre registre, au "couple" composé de John RANDOLPH et BURGESS MEREDITH dans le délicieux MANKIEWICZ "LE REPTILE", avec ses dialogues oscillants sans cesse avec humour entre LOVE and HATE...
Immensément heureux d'être de retour dans la galaxie BLOG et, surtout, sur votre planète!!!
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