mercredi 31 octobre 2012

DOUBLE PROGRAMME POUR UN HALLOWEEN QUEER


Un an tout rond que je n'ai rien posté sur le blog !... Halloween est une bonne occasion de renouer avec vous, même si, déflation oblige (et manque de temps), je ne vous proposerai cette année que deux films au lieu des sept habituels...



NIGHT, AFTER NIGHT, AFTER NIGHT (Lindsay SHONTEFF, 1969)




Un éventreur décime les femmes de petite vertu dans les quartiers interlopes de Londres, à la manière du bon vieux Jack. Le flic chargé de l'affaire (Gilbert WYNNE), dont l'épouse a été tuée par le maniaque, s'acharne sur un jeune queutard répondant vaguement aux descriptions des rares témoins (cheveux longs, vêtements de cuir). Mais deux autres individus se posent en suspects potentiels : le juge Lomax (Jack MAY), un effroyable puritain aux sentences sans merci, et son assistant Carter (Terry SCULLY), avide lecteur de magazines pornos, doublé d'un misogyne indécrottable (du style à estimer que toute femme violée est une salope qui l'a bougrement bien cherché).
Night, After Night, After Night est l'un des premiers spécimens de la nouvelle vague horrifique britannique qui, à la fin des années 1960, rompit avec la tradition gothique de la Hammer et de l'Amicus en imposant un cadre urbain et contemporain. A ce titre, il fait aujourd'hui l'objet d'une modeste reconsidération, quelques commentateurs n'hésitant pas à y voir l'un des prototypes du slasher et l'héritier abâtardi (car lourdement "exploitatif") du séminal Le Voyeur de Michael POWELL.
C'est faire beaucoup d'honneur à cette bande qui, bien que témoignant d'un certain flair pour les ambiances malsaines et d'un goût marqué pour le trash, n'en est pas moins aussi répétitive que son titre, et extrêmement sage graphiquement. On appréciera surtout l'aperçu qu'elle offre des ultimes soubresauts d'un Swinging London déjà entaché de désillusion et menacé par le nihilisme. A ce titre, le film prend presque valeur de document sociologique et rend avec justesse le  climat d'une époque. Aussi critique envers la jeune génération qu'envers les représentants psychorigides de la Vieille Angleterre, le scénariste Dail AMBLER affiche les intentions ambiguës, entre conservatisme et subversion, que l'on retrouvera dans l’œuvre du cinéaste Pete WALKER quelques années plus tard. Au final, c'est néanmoins la répression sexuelle qu'il semble vouloir désigner comme cause des plus grands maux, sans se départir d'une vague condescendance envers les adeptes de l'amour libre et du Flower Power. Le fait que l'assassin, pour commettre ses crimes, coiffe une perruque "à la Beatles", peut aussi bien constituer un trait d'humour qu'un commentaire acerbe sur la nocivité de la subculture Mod.
L'aspect queer réside tout entier dans les dernières scènes du film, où l'éventreur, pour échapper à la police, se travestit hâtivement en femme, et rencontre un quatuor de tarlouzes bizarrement homophobes, qui se moquent de son déguisement. Après avoir éborgné l'un d'entre eux, il se rend dans son appartement décoré de photos de femmes nues qu'il lacère rageusement, délayant son maquillage dans la sueur et les larmes. Ces scènes d'une réelle intensité dans le grotesque, suggèrent subitement que l'homosexualité refoulée du personnage est peut-être la cause de son comportement meurtrier.
A noter que le film fut produit par la légendaire Butcher Film Distributor, grande pourvoyeuse de petits polars d'exploitation anglais dans les années 1950 et 60. Le réalisateur Lindsay SHONTEFF (travaillant ici sous le pseudonyme de Lewis J. FORCE, peut-être pour des questions contractuelles) signa quantité d’œuvres "bis" des plus recommandables.

CATACLYSM (aka THE NIGHTMARE NEVER ENDS) (Phillip MARSHAK, Tom McGOWAN, Gregg C. TALLAS, 1980)


Remonté et réduit à une petite vingtaine de minutes, Cataclysm devint l'un des sketches de l'anthologie Night Train to Terror, pour les besoins duquel deux autres longs-métrages subirent le même traitement. Le film mobilisa pas moins de trois réalisateurs, dont Phillip MARSHAK, immortel auteur de Dracula X, version porno du roman de STOKER avec Reggie Nalder dans le rôle de Van Helsing ! Croisement incongru du Portrait de Dorian Gray et du Dossier Odessa, cette bande ultra-fauchée mais pleine de grandes ambitions bénéficie (?) d'un scénario foutraque signé par l'oscarisé Philip YORDAN (on croit rêver !), et d'un casting particulièrement alléchant pour l'amateur de vieilles gloires hollywoodiennes reconverties dans le "bis" craspec. On y rencontre en effet Cameron MITCHELL, le "Roi sans Couronne de l'Horreur Malsaine", et Mark LAWRENCE, figure emblématique du film noir dont la carrière fut flinguée par le Maccarthysme.
L'histoire ? Un vieux juif chasseur de nazis (Marc LAWRENCE) reconnaît à la télévision l'ancien directeur du camp de concentration dans lequel périt sa famille. Seulement voilà, le salopiaud n'a pas pris l'ombre d'une ride en 34 ans, ce qui laisse plutôt dubitatif le flic (Cameron MITCHELL) à qui l'ancien déporté fait part de ses soupçons. Parallèlement, l'épouse catho d'un Prix Nobel de littérature, auteur d'un ouvrage sur "la mort de Dieu", fait des cauchemars atroces, à base de lave en fusion (?) et de massacre de violonistes juives lors d'un banquet de S.A. (??) Il s'avère que l'éternellement jeune nazi n'est autre que Satan en personne (ou l'un de ses suppôts, on ne sait trop...), désireux de rallier à sa cause le Prix Nobel athée, afin de faciliter l'avènement de la Bête Immonde.
Plutôt prometteuse sur le papier, l'idée de base devient franchement déconcertante sur pellicule. La faute à des comédiens qui, bien que chevronnés, s'avèrent carrément exécrables (Marc LAWRENCE, en émule de Simon WIESENTHAL nanti d'un accent yiddish à couper au couteau, est d'une extravagante nullité -- le pire étant que, pour Dieu sait quelle raison, il réapparaît dans le rôle d'un flic, et se montre à peine moins catastrophique ; Richard MOLL arbore des moumoutes de couleurs différentes d'une scène à l'autre ; Faith CLIFT joue comme une limande sous Tranxen) ; la faute encore à une mise en scène plus qu'approximative et à des digressions éberluantes (apparition glorieusement superfétatoire d'Amérindiens munis de tomahawks dans une scène totalement étrangère à l'action) ; la faute enfin au mixage bordélique d'intrigues divergentes qui peinent à se souder en un tout cohérent (on notera l'adjonction de scènes discos particulièrement redoutables pour les nerfs et les oreilles).
Assez sobre au niveau de l'horreur graphique, le film devient brutalement gorissime dans sa dernière bobine, où Faith CLIFT, chirurgienne de son état, arrache le cœur du nazi à grands coups de bistouri pour le mettre à cuire au micro-ondes (c'est le premier -- et le seul, à ma connaissance -- exorcisme à cœur ouvert de l'histoire du cinéma) !
L'élément queer est à chercher dans le personnage du dandy S.S. adepte du disco incarné par Robert BRISTOL, dont les succès féminins ne constituent pas l'aspect le plus crédible du scénario : le charmant garçon présente en effet toutes les caractéristiques de la tantouze wildienne, et restera dans les mémoires comme le nazillon le plus choupinet de l'écran depuis Helmut BERGER.

Le film peut être vu en intégralité (et V.O.) sur YouTube !

Robert BRISTOL, son fond de teint et ses gros sourcils.

2 commentaires:

YRREIHT a dit…

Ah, "NIGHT TRAIN TO TERROR" ME RENVOIT INMANQUABLEMENT A L'EPOQUE BENIE DE LA VHS QUE NOUS ALLIONS CHASSER AVEC DELICE TELS DES ARCHEOLOGUES DU BIS DANS LES VIDEO CLUBS A LA RECHERCHE DE LA PERLE RARE (OU DU JOYEUX NANAR)..

MERCI ENCORE DEAR BB POUR CES FAMEUX POSTS SI ABOUTIS...

JOYEUX HALLOWEEN

book to movie a dit…

Je découvre ce blog par pur hasard.... et franchement il me semble excellent!
Je sens que je vais l'explorer en profondeur :)