vendredi 22 août 2008

HOLLYWOOD MORTUARY (1999)

Pour inaugurer ce blog, je vous propose de découvrir un DV-film méconnu et inédit en Zone 2, HOLLYWOOD MORTUARY, qui se penche avec une affection iconoclaste sur l'Age d'Or de l'épouvante hollywoodienne. On ne compte plus les études, essais et articles qui se sont attachés à démontrer le potentiel queer des grands classiques de la Universal ou de la R.K.O. Le choix de cette époque et de ce milieu comme cadre de l'intrigue, et l'approche furieusement camp choisie par les auteurs de HOLLYWOOD MORTUARY, justifient amplement sa place sur ce blog. Si cela ne suffisait pas, signalons que le film intègre à son casting deux personnalités gay bien connues des amateurs de séries Z américaines : le comédien et scénariste Randal MALONE, et le cinéaste David DeCOTEAU. Il bénéficie également de la participation de deux anciennes gloires de l'écran : Anita PAGE (partenaire de Lon CHANEY dans le West of Zanzibar de Tod BROWNING -- 1926), et Margaret O'BRIEN (enfant-star des "forties" -- Le Chant du Missouri de Vincente MINNELLI). Précisons néanmoins qu'en dépit de la gaytitude de l'oeuvre, son metteur en scène, Ron FORD, est réputé être solidement hétéro...


FICHE TECHNIQUE :

d'abord moyen-métrage (Creaturealm - 1996), puis long-métrage (Hollywood Mortuary - 1999).
Réal : Ron FORD - Scénario : Ron FORD, sur une idée de Randal MALONE.
Avec : Randal MALONE, Tim SULLIVAN, Ron FORD, Joseph HAGERTY, Denice STRADLING, Anita PAGE, Conrad BROOKS, David DeCOTEAU, Margaret O'BRIEN.

RESUME :

Hollywood, 1941. Le maquilleur Pierce Jackson Dawn (Randal MALONE), créateur de quelques-uns des plus grands monstres de l'écran, se retrouve au chômage, du fait que les studios préfèrent désormais produire des comédies romantiques et des drames réalistes plutôt que des films d'épouvante. Le seul emploi qui lui est offert est celui de thanatopracteur (maquilleur de cadavres) dans une morgue. Il décline rageusement cette proposition dégradante, qui lui inspire cependant une idée de génie : puisque les producteurs prétendent baser leurs films sur la réalité, pourquoi ne relancerait-il pas le cinéma d'horreur en créant de toutes pièces une actualité qui stimulerait l'intérêt déclinant du public ?... Il décide alors de ressusciter les deux plus grandes stars du genre, récemment décédées : Janos Blasko (Ron FORD), victime d'une overdose, et Pratt Borokov (Tim SULLIVAN), assassiné par Pierce lui-même dans un accès de rage. Recourant au vaudou, il parvient à redonner vie aux cadavres des deux acteurs, et les lance dans une série de meurtres sauvages qui mettent la presse en émoi... et réveillent l'intérêt des producteurs, avides de rentabiliser l'événement.

L'AVIS DE BBJANE :

Allons-y franco : HOLLYWOOD MORTUARY est une façon de chef-d'oeuvre parodique et macabre, une petite bande terriblement excitante et inventive, qui possède tous les attributs attachés au concept si galvaudé de film-culte. Deux ans après que Tim BURTON nous ait offert son Ed Wood, Ron FORD, avec un budget infiniment moins cossu, mais un scénario nettement plus acerbe et ravageur, brosse le portrait vitriolesque d'un artiste frustré, tiraillé par des élans démiurgiques, et porte un regard mi-nostalgique mi-corrosif sur de vieilles stars déchues, incapables de perpétuer leur image iconique dans un Hollywood en pleine mutation.
Filmé sur support vidéo, dans quelques pièces hâtivement décorées et une poignée d'extérieurs pauvrets, HOLLYWOOD MORTUARY pallie à ses défaillances budgétaires par un entrain incomparable, une verve insolente qui renvoie aux premiers films de John WATERS. Les répliques percutantes fusent, multipliant les clins d'oeil cinéphiliques ; les acteurs cabotinent avec une jubilation communicative ; les trouvailles scénaristiques s'accumulent -- ainsi l'idée de faire raconter les derniers jours de Pierce Jackson par d'authentiques personnalités du cinéma : les comédien(ne)s Conrad BROOKS, Margaret O'BRIEN, et Anita PAGE ; le cinéaste David DeCOTEAU ; le critique Tim MURPHY. Le film se présente en effet comme une suite de fausses interviews de vrais artistes au sujet d'un personnage fictionnel (procédé également utilisé par Peter JACKSON dans Forgotten Silver.)
Les personnages de Blasko et Borokov (hommages transparents à LUGOSI et KARLOFF) sont traités par Ron FORD avec une irrévérence dévastatrice. Interviewé par un journaliste péquenot et lèche-bottes, Blasko jure comme un charretier avec l'accent hongrois, injurie copieusement son rival à l'écran, puis file se faire une piquouse dans la pièce voisine pour se calmer les nerfs. Borokov est une baderne imbue d'elle-même, qui ne rêve que de cultiver son jardin et crache sur le cinéma d'horreur, dont les films "anti-sociaux" lui répugnent.
Ron FORD, n'ayant radicalement rien à voir avec LUGOSI sur le plan physique, campe le personnage avec une désinvolture totale, lui donnant l'image d'un drogué bouffi, vulgaire et passablement abruti.

Le cinéaste Ron FORD

Tim SULLIVAN, qui au contraire possède la carrure de son modèle, restitue tous les maniérismes de KARLOFF, passant de la suavité à la rudesse, des sourires cauteleux aux grognements gutturaux.
Les deux interprétations, bien qu'antithétiques, s'avèrent aussi réussies l'une que l'autre.
Randal MALONE compose quant à lui un Pierce Jackson mémorable, extravagant, bigger than life. Une prestation qui s'inscrit dans la droite ligne des grandes performances camp et cultes du cinéma fantastique, celles d'un Tim CURRY dans The Rocky Horror Picture Show, d'un Paul WILLIAMS dans Phantom of the Paradise, d'un Vincent PRICE dans Theatre of blood, ou de DIVINE dans les films de John WATERS. Tour à tour grotesque et sublime, exaspérant et touchant, menaçant et pathétique, il exprime un tempérament de comédien empreint, certes, de follitude et d'excès, mais n'en ménageant pas moins une justesse et un équilibre rares dans ce registre.

Randal MALONE dans HOLLYWOOD MORTUARY

Sous ses dehors de bouffonnerie canularesque, HOLLYWOOD MORTUARY développe un point de vue pertinent et non dénué de profondeur sur la notion de spectacle (cinématographique ou autre), telle qu'elle est aujourd'hui perçue -- et dévoyée -- par un public de plus en plus avide de sensationnalisme et de pseudo-véracité. Le fait que Pierce Jackson n'a d'autre alternative, pour relancer le cinéma d'horreur, que de créer un nouvel engouement dans la presse et le public par le biais de meurtres authentiques, commis par les vieilles gloires du genre, est assez révélateur des attentes des spectateurs modernes, qui dédaignent l'art fantastique, mais se montrent friands d'atrocités réelles (ou supposées telles), et grands consommateurs de reality-shows aussi putassiers que bidouillés. Ainsi, le déclin de l'art du spectacle semble bien naître de celui du spectateur, qui n'accepte plus l'artifice sans la caution préalable d'un soi-disant réalisme. Ultime clin d'oeil sarcastique : c'est en passant par le biais du (faux) documentaire, que Ron FORD nous introduit dans son délire filmique, justifiant ainsi l'invraisemblable par le mensonge. Chapeau, Monsieur FORD !...

Amis lecteurs, il ne vous reste plus qu'à vous précipiter sur le DVD de ce film, qui, n'en doutons pas, est appelé à devenir un classique underground, et est actuellement disponible, pour une poignée de dollars, sur amazon.com.
Notons qu'il en existe deux versions : l'une, intitulée CREATUREALM, est un moyen-métrage des plus plaisants, que Ron FORD développa sur une durée de 90 minutes, pour aboutir au bijou dont il est ici question.
Signalons également que Tim SULLIVAN, l'interprète de Pratt Borokof, ne doit pas être confondu avec le cinéaste gay, auteur de 2001 maniacs. Il n'en est que l'homonyme -- bien que lui-même cinéaste, et romancier de S.F. et de fantastique.

LIENS :

Découvrez Randal MALONE sur son site inachevé -- en chantier depuis des années...

Cette vidéo de YouTube nous offre deux extraits du film : une séquence au cours de laquelle Janos Blasko et Pratt Borokov sèment le boxon dans une soirée privée (admirez le "meurtre à l'assiette plate", spécialité du comédien Tim SULLIVAN -- Hello Tim !... You're really a naughty boy, you know ?...) + le générique de la version courte, CREATUREALM. (L'intégration de cette vidéo dans un blog étant rendue impossible suite à la demande d'un usager de YouTube, je ne peux donc la transférer directement ici. Du reste, je m'en serais abstenu, en raison du caractère hautement inesthétique de ces affreux écrans figés, qui font rien qu'enlaidir les blogs...)

Pour conclure, et toujours sur YouTube, une interview de Ron FORD dans l'émission télévisée Northwest profiles.


5 commentaires:

Anonyme a dit…

"Give me my eggs!"
Forcément l'avis de BBJane donne vraiment envie de découvrir le film, d'autant que les liens sont alléchants également. Ca semble complètement délirant, et je crois que je pourrai me faire prêter ce film par quelqu'un qui le possède déjà...

bbjane a dit…

Ma chèèèrie,
Quelle que soit la façon dont tu te procureras ce film, soit sûre qu'il titillera tes zones cinéphilogènes... Merci de ta visite !...

Anonyme a dit…

Intcheu, queu(e) blog!
J'lavos pô vu arvenir su'm'guele, pourtant Snarkée à gogo pindint les années durant... qu'ont duré, bientôt 20 ans, intcheu, ché pu l'nuit du Chasseur, ché l'crépuscule des chassés.
In n'eur'jeunira pas, chinon in n'aurotent pô invie eud' faire des blaugs, mais cha fout tout d'même un coup au coeur: chi Lovecraft y'auro chu cha y s'aurot artourné dins s'tombe eul pov' tiot. Momeuh! (je suis très fier de ce "Momeuh!").

Sinon, à titre personnel, je trouve l'initiative super intéressante et j'attends la suite avec impatience.

Anonyme a dit…

je ne connaissais pas ce film ! mais quand tu parles de personnalités gay au ciné je pense inévitablement à Divine auquel/ à laquelle/ Antony rend hommage dans une chanson en le disant self determined guru ( j'aime l'expression ). j'attend donc la suite des aventures de BBjane au pays du cinébis avec impatience aussi !

bbjane a dit…

Cher ami Damien, je n'ai rien entravé à votre jargon. Après d'épuisantes recherches, j'ai cru déceler que vous employez le langage "ch'ti" -- sans doute une concession à la mode déplorable inaugurée par un sinistre cafoma (Dany Boon) dont je tairai le nom. Qué décholure d'agazouller en ch'ti ! Té mériteros eun' tartagnolle, mais j'a quand même pus quer et' faire eun' baisse !... Bin à ti...