jeudi 21 août 2008

Pourquoi ce blog ?


Quand j'étais gamin, je voulais être Vincent Price. Habiter une demeure ancestrale et maudite, perdue dans des marais puants. Promener ma mélancolie dans de vastes salons encombrés d'objets d'art et tendus d'arnitoiles. Posséder une voix onctueuse, un profil aristocratique, et des manières affectées. Porter une fine moustache et des robes de chambre à ramages. Siroter du cherry, le petit doigt levé. Converser avec le portrait de ma défunte épouse (je n'envisageais d'épouse que défunte.) Occire mes prochains avec un raffinement non dénué d'extravagance. Exhumer des cadavres sous la pleine lune, et les ressusciter dans l'obscurité de ma crypte, à coup de psalmodies tirées du Necronomicon. Périr en Cinémascope dans l'incendie de ma vénérable demeure ancestrale et maudite.
Gamin, j'aurais aimé être Lovecraft. Dormir le jour, écrire la nuit, entouré des soins vigilants d'adorables vieilles tantes (au sens familial du terme), dans la scrupuleuse ignorance de toute activité salariale. Publier mes nouvelles au compte-goutte dans des revues choisies. Ne pas coucher avec ma femme -- de qui, du reste, je vivrai soigneusement séparé depuis le jour de nos noces. Entretenir une correspondance pléthorique avec une multitude de jeunes disciples transis et masculins.
Gamin, j'étais fondu de Fantastique. Littéraire, cinématographique. Mon entourage adulte jugeait cette prédilection inquiétante ; mes camarades de classe s'en foutaient, ou n'y pigeaient rien -- d'ailleurs, je n'avais pas de camarades de classe.
Gamin, je me savais homo. Mais je n'y pensais guère. Je ne rêvais que d'Epouvante.
Il me fallut plusieurs années pour suspecter qu'un lien étroit unissait ma passion pour l'étrange, le gothique, l'horreur, et mes inclinations sexuelles.

Homos et fantasticophiles ont bien des points communs : une défiance instinctive envers les normes et la Normalité ; un attachement farouche au monde de l'enfance ; une vision défiante et tranchée de la femme, oscillant entre la marâtre-harpie-castratrice, la princesse éthérée et inaccessible, et la chair à sévices ; le repli, volontaire ou contraint, mais toujours empreint de fierté, dans une communauté aux codes et rituels strictement définis, et jalousement observés.

Adolescent, je découvris avec étonnement que la plupart de mes idoles littéraires ou cinématographiques les plus représentatives du "genre", étaient gays ou bisexuelles. Je détectais aussi dans mes oeuvres fétiches l'expression, parfois dissimulée, parfois revendiquée, d'une thématique spécifiquement gay.

Défouloir de nos fantasmes, le Fantastique est depuis longtemps reconnu comme le lieu privilégié d'une sublimation de notre libido, par le biais de représentations métaphoriques et symboliques. Royaume de l'ombre et de l'inquiétude, il est aussi celui de l'ambiguïté, de la dualité, de l'altérité ; un espace où se révèlent les doutes et les angoisses fréquemment liés à l'intuition de la précarité des schémas sexuels établis.

Il est, au plus intime de ses composants, l'un des champs d'expression les plus spécifiquement gays qui soient.

Je me propose d'explorer dans ce blog, sans aucune prétention historique ou didactique, mais dans un généreux foutoir, les points de convergence entre cinéma fantastique et homosexualité.

Courtes vignettes, chroniques de films, évocations de personnalités emblématiques du genre, seront au menu. Les chefs-d'oeuvre avérés côtoieront les navets notoires, les grands classiques voisineront avec les bandes obscures, oubliées ou méconnues.

Ne vous laissez pas abuser par le ton un peu solennel de ce premier post : ce blog se veut aussi gai que gay.

Amis lecteurs, amies lectrices, vos commentaires, critiques, suggestions -- et participations éventuelles -- seront les bienvenus.

Merci de votre visite, et -- je l'espère ! -- à la revoyure !



9 commentaires:

Anonyme a dit…

"I've written a letter to daddy...". Ca me donne envie de chanter, tant je suis contente ! Cela promet de biens beaux articles, amusants et passionnants ! Vincent Price pour inaugurer cette ouverture de blog, il n'y a pas plus alléchant. Je viendrai souvent errer sur les sentiers de Miss BJ Huston, en tant que cinéphile et grande admiratrice de "Baby Jane".
Amitiés cinéphiliques.

bbjane a dit…

Oooh, ma chèèèrie !... Vous êtes la première à laisser un commentaire sur ce blog, et je ne pouvais rêver meilleure inauguration !... Merci à vous, sister... Read you soon !...

Anonyme a dit…

bienvenue BBjane dans le monde des blogggeurs. j'aime ton analyse du fantastique et cette façon de jalonner ton parcours de cinephiles hanté par l'altérité. Bien entendu Vincent Price s'imposer. C'etait
"the price to pay". Amitiés, Dalifan ( et merci pour la précision concernant "le corrupteur sur mon blog ).

bbjane a dit…

Ma très chèèère anonyme,
Vous êtes un amououour de me laisser un commentaire !... M'autorisez-vous à foutre un lien sur votre blog dans le mien ?... Il me semble que cela s'imposent (oh ! excusez la phote d'ortograve !... C'est de bonne guère !... Et comme vous les pratiquer aussi...) Ooops ! I do it again !...

Guil a dit…

Bravo pour ce blog, que je viens de découvrir depuis celui de Bernard Alapetite, et qui me semble très intéressant :-) Je vais tout de suite l'ajouter à mon agrégateur préféré!

Par contre si vous pouviez, par pitié, faire en sorte que la musique soit en "pause" par défaut lorsqu'on s'y connecte et qu'il faille l'action volontaire de l'utilisateur pour l'activer... En effet, il n'y rien de plus INSUPPORTABLE lorsqu'on surf en écoutant la musique qu'on aime, de se faire imposer une autre musique (même si elle est bien aussi) sans qu'on l'ai choisi... Seul bémole :-)

bbjane a dit…

Merci, Guil, de ton message.
Je vais étudier la question de la musique à mettre en pause, dès que je rentrerai chez moi (en déplacement pour quelques jours). Au plaisir de tes prochaines visites !

Frédérick a dit…

Cette entrée en matière m'a fait songer à l'univers spécifique d'un de mes auteurs fétiches, on s'en souvient : Marc Agapit.

Ce que tu écris ici pourrait décrire son oeuvre !

"un attachement farouche au monde de l'enfance ; une vision défiante et tranchée de la femme, oscillant entre la marâtre-harpie-castratrice, la princesse éthérée et inaccessible, et la chair à sévices ; le repli, volontaire ou contraint, mais toujours empreint de fierté, dans une communauté aux codes et rituels strictement définis, et jalousement observés" et ainsi de suite.

Bien hâte de lire les autres réflexions de ton blogue, dès que j'ai un peu plus de temps libre !

Anonyme a dit…

Bonjour, j'arrive de chez Boby...
Je n'ai pas encore tous lu, mais j'aime déjà la plume, la maîtrise, la culture et la tonalité — acérée.
Deux blogues de qualité, donc, ajoutés à mes favoris et où je ne manquerai pas de revenir ;))

bbjane a dit…

Cela me fait un drôle d'effet de revenir déposer un commentaire sur mon tout premier post...
Merci, Deef, de ta visite -- et j'espère que nous parviendrons à résoudre le fâcheux problème de l'abonnement !...
Amitiés de BB